28.5.13

Les objectifs des comités de rédaction

Sous-titre : Pour la notoriété de la revue ou faire plaisir aux lecteurs ?
   Un professionnel de santé perçoit souvent les revues biomédicales comme le vecteur de la bonne pratique, de la bonne science. Il devrait se poser des questions sur les acteurs du système des publications, et comprendre les intérêts de chacun.
   Il est vrai que la plupart des professionnels sont honnêtes, font bien leur travail et ont l’objectif de publier de bons articles et de bonnes revues scientifiques. Mais certaines déviances et des intérêts non divulgués peuvent fortement influencer les revues professionnelles en santé.

 
   Les revues scientifiques fonctionnent différemment selon qu’elles sont la propriété de sociétés savantes ou de maisons d’éditions, souvent internationales. Mais dans tous les cas, les pouvoirs des acteurs sont parfois au service d’eux-mêmes avant d’être au service des lecteurs. Le système économique des revues biomédicales fait que le lecteur n’a pas le pouvoir d’influencer le fonctionnement des revues : le lecteur n’est pas souvent le payeur, ce sont des institutions, des annonceurs, voire les auteurs qui assurent les ressources des revues.

   Les comités de rédaction ont des pouvoirs forts sur la stratégie éditoriale, soit par un rédacteur en chef autoritaire et hégémonique, soit par un collectif d’experts gérant la revue. Les fonctionnements des comités de rédaction varient selon les revues. Certains sont composés d’un groupe restreint à moins de 10 experts, certains font appel à des nombreuses compétences consultées épisodiquement (parfois appelés comités scientifiques).  Que veut un comité de rédaction ? De bons articles avec une question explicite et une réponse, mais ils sont très rares. De bons relecteurs / reviewers des articles, mais ils sont très rares. De bons auteurs qui savent écrire selon des règles scientifiques, mais ils sont très rares. Un propriétaire de la revue qui respecte la liberté éditoriale, mais les situations d’intérêts peuvent influencer le comportement des rédactions.

   La décision d’accepter ou de refuser un article par un comité de rédaction est multifactorielle. Cette décision est d’abord scientifique, mais la qualité des articles soumis n’est pas toujours au rendez-vous ! Tout choix suppose d’écarter de bons articles… Cette décision est émotionnelle : est-ce que le thème de l’article soumis plait aux rédacteurs ? Est-ce que cet article va contribuer à faire parler de notre revue dans les milieux scientifiques et les médias ? Est-ce que la rédaction choisit des relecteurs conciliants ou très exigeants ? Cette décision est sociale : est-ce que cet auteur mérite un coup de pouce en étant publié ? D’où vient-il ? D’une équipe concurrente ou non ? Est-ce que le rédacteur en chef d’une revue de société savante peut refuser un article soumis par un membre du bureau de la société savante ? Cette décision est économique : est-ce que cet article va générer des tirés à part payants par une industrie ? Est-ce que la publicité va venir contribuer à des ressources supplémentaires ? Est-ce que le rédacteur en chef peut refuser un article soumis sur une étude supportée par une industrie, annonceur régulier dans la revue ?
   Les influences sur les comités de rédaction sont nombreuses et pas toujours connues. Il n’existe pas de données sur toutes les influences non financières, de type courants de pensée, influences de collègues, relations amicales ou non, etc…Il existe des données sur toutes les influences, en général financières, des industries des produits de santé. Le cas du rofecoxib (Vioxx - plus d'infos ici) est celui qui a permis de décortiquer toutes les pratiques d’auteurs honoraires et fantômes pour influencer le système des publications [1].
    Si les mouvements actuels de transparence sont en faveur de demander aux auteurs de déclarer leurs liens d’intérêts, c’est un progrès [2]. C’est loin d’être suffisant pour augmenter la crédibilité et la notoriété des revues : un fonctionnement transparent et explicite des comités de rédaction serait un progrès. Les déclarations de liens d’intérêts des rédacteurs, des relecteurs / reviewers seraient utiles pour une lecture avisée.

HM.

[1] Ross JS,  Hill KP, Egilman DS, Krumholz HM. Guest Authorship and Ghostwriting in Publications Related to Rofecoxib:  A Case Study of Industry Documents From Rofecoxib Litigation. JAMA. 2008;299(15):1800-1812. -accès restreint-
[2] Trébucq A, Maisonneuve H. Intérêts potentiels et publications : exiger la transparence et refuser la chasse aux sorcières. Oncologie 2010;12:647-650.

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