Un
professionnel de santé perçoit souvent les revues biomédicales comme le vecteur
de la bonne pratique, de la bonne science. Il devrait se poser des questions
sur les acteurs du système des publications, et comprendre les intérêts de
chacun.
Il est vrai que la plupart des professionnels sont honnêtes, font bien
leur travail et ont l’objectif de publier de bons articles et de bonnes revues
scientifiques. Mais certaines déviances et des intérêts non divulgués peuvent
fortement influencer les revues professionnelles en santé.
Les revues
scientifiques fonctionnent différemment selon qu’elles sont la propriété de
sociétés savantes ou de maisons d’éditions, souvent internationales. Mais dans
tous les cas, les pouvoirs des acteurs sont parfois au service d’eux-mêmes
avant d’être au service des lecteurs. Le système économique des revues
biomédicales fait que le lecteur n’a pas le pouvoir d’influencer le fonctionnement
des revues : le lecteur n’est pas souvent le payeur, ce sont des
institutions, des annonceurs, voire les auteurs qui assurent les ressources des
revues.
Les
comités de rédaction ont des pouvoirs forts sur la stratégie éditoriale, soit
par un rédacteur en chef autoritaire et hégémonique, soit par un collectif
d’experts gérant la revue. Les fonctionnements des comités de rédaction varient
selon les revues. Certains
sont composés d’un groupe restreint à moins de 10 experts, certains font appel
à des nombreuses compétences consultées épisodiquement (parfois appelés comités
scientifiques). Que veut un comité
de rédaction ? De bons articles avec une question
explicite et une réponse, mais ils sont très rares. De bons relecteurs /
reviewers des articles, mais ils sont très rares. De bons auteurs qui savent
écrire selon des règles scientifiques, mais ils sont très rares. Un
propriétaire de la revue qui respecte la liberté éditoriale, mais les
situations d’intérêts peuvent influencer le comportement des rédactions.
La
décision d’accepter ou de refuser un article par un comité de rédaction est
multifactorielle. Cette décision est d’abord scientifique, mais la qualité des
articles soumis n’est pas toujours au rendez-vous ! Tout choix suppose
d’écarter de bons articles… Cette décision est émotionnelle : est-ce que
le thème de l’article soumis plait aux rédacteurs ? Est-ce que cet article
va contribuer à faire parler de notre revue dans les milieux scientifiques et
les médias ? Est-ce que la rédaction choisit des relecteurs conciliants ou
très exigeants ? Cette décision est sociale : est-ce que cet auteur
mérite un coup de pouce en étant publié ? D’où vient-il ? D’une
équipe concurrente ou non ? Est-ce que le rédacteur en chef d’une revue de
société savante peut refuser un article soumis par un membre du bureau de la
société savante ? Cette décision est économique : est-ce que cet
article va générer des tirés à part payants par une industrie ? Est-ce que
la publicité va venir contribuer à des ressources supplémentaires ? Est-ce que le rédacteur en chef peut
refuser un article soumis sur une étude supportée par une industrie, annonceur
régulier dans la revue ?
Les influences sur les
comités de rédaction sont nombreuses et pas toujours connues. Il n’existe pas
de données sur toutes les influences non financières, de type courants de
pensée, influences de collègues, relations amicales ou non, etc…Il existe des
données sur toutes les influences, en général financières, des industries des
produits de santé. Le cas du rofecoxib (Vioxx - plus d'infos ici) est celui qui a permis de
décortiquer toutes les pratiques d’auteurs honoraires et fantômes pour
influencer le système des publications [1].
Si les mouvements
actuels de transparence sont en faveur de demander aux auteurs de déclarer
leurs liens d’intérêts, c’est un progrès [2]. C’est loin d’être suffisant pour
augmenter la crédibilité et la notoriété des revues : un fonctionnement
transparent et explicite des comités de rédaction serait un progrès. Les déclarations
de liens d’intérêts des rédacteurs, des relecteurs / reviewers seraient utiles
pour une lecture avisée.
HM.
HM.
[1]Guest Authorship and Ghostwriting in
Publications Related to Rofecoxib: A Case Study of
Industry Documents From Rofecoxib Litigation.
JAMA. 2008;299(15):1800-1812. -accès restreint-
[2]
Trébucq A, Maisonneuve H. Intérêts potentiels et publications : exiger la
transparence et refuser la chasse aux sorcières. Oncologie 2010;12:647-650.
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