Dans
l’optique de connaître le rôle du ligament croisé postérieur (LCP) du genou,
différentes études ont été sélectionnées pour mettre à jour la controverse qu’il existe sur la place du LCP dans les
arthroplasties du genou.
Cette controverse semble avoir commencée au milieu des
années 1980 et le GERAR veut, via l’analyse de 4 articles, élucider la place du
LCP dans une arthroplastie de genou.
Commençons
avec un premier article rédigé en 1998. Perreira and coll. [1] ont réalisé une étude rétrospective sur plus de 100 patients opérés
d’une PTG avec ou sans LCP. Tous les patients ont été opérés par le même
chirurgien avec la même prothèse ne possédant pas de stabilisation postérieure.
Les sujets de cette étude ont été évalués avec le questionnaire Hospital
for Special Surgery-Score (HSS) et les résultats ont été comparés à 6 mois,
1 et 2 ans. Les auteurs concluent qu’il n’existe pas de différence entre les 2
arthroplasties avec ou sans LCP. Cette étude n’est pas plus présentée, vous
retrouverez par conséquent plus de détails sur cette étude dans l’avis du GERAR.
L’équipe
de Misra en 2003 [2] une étude avec
un objectif semblable à celle de Pereira et al. Ils veulent connaître l’effet
de l’absence du LCP dans les résultats postopératoires après arthroplastie de
genou. Pour cela ils mettent en place une étude prospective randomisée
contrôlée intégrant 103 patients séparés en 2 groupes homogènes avec un appariement
anthropométrique. (Pour plus d’infos sur l’appariement ou
matching cliquez ici – Bland
JM Altman DG. Statistics notes: Matching. BMJ 1994;309:1128) Tous ces
patients passent le HSS et une échelle de satisfaction, où le 0 rend compte
d’une insatisfaction complète et 10, le contraire. Grâce aux radiographies,
l’alignement fémoro-tibial a été vérifié en charge dans le plan frontal et le recul
du fémur sur le tibia (rollback) à
90° dans le plan sagittal à 6 semaines, 6 mois, 1 et 2 ans.
Les sujets de l’étude
réalisent une semaine en moyenne de rééducation standardisée en postopératoire
immédiat, où les objectifs étaient le renforcement du quadriceps et la
mobilisation progressive de l’articulation. Tous les patients ont été opérés
avec le même modèle de prothèse : une prothèse faite pour le maintien du
LCP. Les résultats ne montrent pas de différence sur le questionnaire HSS et
l’échelle de satisfaction entre les 2 groupes durant tout le suivi. Les clichés radiologiques objectivent
un rollback positif chez 1 patient sur 5 dans chacun des groupes. Ce rollback
pour les auteurs, en s’appuyant sur des études précédentes, serait à l’origine
d’une augmentation de la force musculaire du quadriceps et permettrait une
augmentation de la flexion. Ce n’est cependant pas avec leur étude qu’ils
soutiennent ce type de conclusion. Misra and coll. concluent sur l’absence de
différence entre les 2 groupes de patients.
Victor
et al. en 2005 [3] veulent évaluer
la différence entre des arthroplasties de genou conservant le LCP et des
arthroplasties le sectionnant, sur des critères de qualité de vie et
d’amplitude articulaire. Ils posent comme hypothèse de départ qu’il existe des
problématiques cinétiques et que celles-ci n’ont pas encore été mises en valeur
par les anciennes publications. D’après les études citées par les auteurs, il
semble qu’un rollback important soit corrélé à une flexion de genou augmentée,
surtout en l’absence de LCP.
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patients possédant une arthrose de genou avec au maximum une déformation en
varus ou valgus inférieur à 15° ont participé à cette étude clinique. Ils ont
été séparés en 2 groupes de façon randomisée et opérés d’une arthroplastie de
genou avec ou sans conservation du LCP. Cependant, les sujets qui ont eu le LCP
sectionné ont bénéficié d’une PTG avec implant de stabilisation postérieur.
Chaque patient a dû répondre au Knee
society score, au WOMAC
et au SF-36.
Les thérapeutes, évaluateurs et radiologues étaient « aveugles » du
type d’opération réalisée. Les patients ont été suivis après l’opération avec
des clichés radiologiques et la passation des questionnaires au 3ème
mois, à 1, 2 et 5 ans. Les auteurs ont également utilisé une nouvelle technique
d’analyse d’imagerie par fluoroscopie ou radiographies en mouvement sur 15
patients, dont 8 porteurs d’une PTG sans LCP.
Les
résultats ne montrent aucune différence significative entre les 2 groupes à
chaque temps de contrôle pour les questionnaires. Cependant, il semble exister
une faible corrélation entre la position antéro-postérieur du fémur par rapport
au tibia et l’amplitude maximale de flexion de genou avec une relation linéaire
forte (R=0,89 et p<0,006) chez les patients porteurs d’une PTG sans LCP. Des
tests fonctionnels ont également été réalisés et il s’avère que le rollback
lors de montée et/ou de descente de marche est significativement plus
important. Les auteurs soulignent l’importance de la position du fémur sous le
tibia, qui semble provoquer en actif une flexion de genou plus importante
lorsqu’il est antériorisé mais il n’existe pas de différence en passif. Victor
et al. remettent en question les surfaces de glissement dans les différences
d’amplitudes entre les 2 types de prothèses.
Toujours
dans cette optique d’objectivation de l’effet de conservation du LCP au sein des PTG, Ritter and coll. en 2012 [4] ont suivi plus de 3000 PTG opérés
par 2 chirurgiens sur 20 ans. Les patients sont âgés en moyenne de 69 ans, avec
un IMC moyen de 28,7 kg.m-2
et diagnostiqués à plus de 96% pour de la gonarthrose. Le LCP est gardé intact
ou sectionné en fonction de la présence ou non d’un rollback. Les sujets ont
été évalués en pré opératoire et en post opératoire à 6 mois, 1, 2, 3, 5, 7,
10, 12 et 15 ans avec le questionnaire de la Knee Society. Sachant
que les fibres du LCP sont libérées si et seulement si le rollback n’est pas
présent.
Tirée de: Rev. bras. ortop. vol.46 no.4 São Paulo 2011 |
Les
auteurs retrouvent des résultats significativement différents, après régression
linéaire multiple, sur la flexion de genou et sur la montée de marche selon le
questionnaire de la Knee
Society. Les patients dont le LCP a été coupé possèdent une
flexion plus importante avec une facilité plus marquée lors des montées ou
descentes d’escaliers.
Si
le LCP est détaché lors de l’opération, il ne semble pas nécessaire pour les
auteurs [4] d’utiliser une prothèse
avec stabilisation postérieure.
Avis du GERAR:
Concernant
l’étude de Pereira en 1998 [1] et à
la lecture du protocole, il est facile de se poser la question de l’avis
éclairé des patients concernant le type d’opération qu’ils ont subi ?
Aucune information n’est donnée. A savoir que le type d’arthroplastie a été
choisi d’abord sans LCP, puis après une cinquantaine de PTG, le LCP fut
conservé.
Les
auteurs [1] analysent des
pourcentages et n’utilisent pas les bons tests statistiques. D’après les données du protocole, le
test du chi2 avait toute sa place car ce sont des comparaisons de pourcentage
d’évolutions, mais ils ont préféré utiliser des tests paramétriques de type t
de Student.
C’est
un article court, avec la présence de doublon dans les résultats en tableaux et
en graphique, ce qui n’apporte pas
grand-chose de plus. Court aussi parce qu’aucune données des analyses
statistiques n’est communiquée et de ce fait nous ne pouvons avoir une idée
précise des différences ou des similitudes des résultats. Pourtant cet article
a mis 8 mois
avant d’être accepté, plutôt habituel pour une revue
internationale, comment les reviewers/relecteurs sont passés à côté de
cela ?
L’article
de Victor et al. [3] possède
également des erreurs statistiques majeures en traitant, par des tests
paramétriques des données ne suivant pas les principes d’une loi normale. Misra
and coll [2] font le choix d’un
risque alpha à 0,01, risque très faible, donc augmentation de la précision de
l’analyse statistique, mais pourquoi ce choix ?
Le
traitement statistique de Ritter et al. [4]
fait preuve d’un sérieux plus engageant sur les résultats des analyses avec une
argumentation des tests statistiques.
L’étude
de Ritter [4] possède un suivi long,
entre 1987 et 2007. Ce qui laisse penser à beaucoup d’évolutions
anthropométriques en 20 ans, et donc à des biais de sélection dus à une
fourchette de sélection trop importante. Généralement les études rétrospectives
ne s’ouvrent pas sur des périodes si longues sans prendre en compte d’autres
paramètres importants visant à mieux définir la population telles que les
comorbidités, le statut social, le niveau d’activité physique, etc. Mais
surtout leurs évolutions.
Les
protocoles de rééducation/réhabilitation ne sont pas du tout explicités. En
tant que professionnels de la rééducation/réhabilitation, ce sont des données
qui manquent et qui sont toujours intéressantes dans un souci de comparaison
avec notre pratique. Certes, les questionnaires HSS et celui de la Knee Society
sont utilisés afin d’évaluer un niveau fonctionnel, mais sont-ils les seuls et
les plus fiables dans l’évaluation de la douleur, des douleurs, de la mobilité
articulaire ? Dans le cas de ces études rétrospectives, les questionnaires
renseignent sur un niveau fonctionnel subjectif et permettent l’appariement des
groupes pour les futures comparaisons statistiques.
Dans
toutes ces études, certains patients inclus ont subi une arthroplastie des 2
genoux. Est-ce un biais de sélection ? D’un point de vue radiologique,
ceci ne semble pas poser de problème surtout si ces radios sont présentes pour
justifier la présence ou non d’un rollback ou du positionnement des implants
prothétiques. Mais dans une approche plus globale, justifiée par l’utilisation
de questionnaires, est-ce raisonnable d’inclure des patients opérés en
bipodal ? Sous entendu qu’il peut exister des phénomènes algiques ou de
compensation sur l’un ou l’autre des membres inférieurs pour les critères de
cotation des questionnaires utilisés. Un suivi sur plateforme baropodométrique
pourrait être une stratégie de suivi de la mise en charge corporelle des
patients en pré et post-opératoire.
Dans
chaque article, les marques et modèles des compagnies de prothèses sont cités.
Conflits d’intérêts diront certains, pas si sûr, sachant que les auteurs [1-4] ne déclarent avoir aucuns
conflits d’intérêts au regard des articles rédigés. En revanche, existerait-il un
lien avec l’économie ? Le prix des
prothèses, le temps d’opérations et le temps d’apprentissage des opérations
chirurgicales doivent être plus ou moins courts fonction de la complexité des
prothèses utilisées et de la difficulté du type d’opération. Nous tenterons de
questionner nos collègues chirurgiens afin de tenter d’élucider ces questions.
En
conclusion et malgré la faiblesse du traitement statistique il semble, pour les
auteurs des articles analysés, que la présence ou l’absence du LCP dans les
arthroplasties de genou n’influence pas les résultats à court et à long terme. Et
de ce fait, le LCP ne semble pas influencer nos prises en charge de
professionnels de terrain envers ces patients.
Pour
plus de renseignements concernant la place du LCP dans l’arthroplastie de
genou, n’hésitez pas à lire l’article de la Cochrane collaboration publié en 2005 [5]. Les conclusions sont
simples : Manque de qualité des études ne permettant pas de prendre une
décision dans le sacrifice ou le maintien du LCP dans les arthroplasties de
genou.
Ci-après
les conclusions des auteurs [5] :
“These results should
be interpreted with caution as the methodological quality of the studies was
highly variable. We conclude that there is, so far, no solid base for the
decision to either retain or sacrifice the PCL with or without use of a
posterior stabilized design during total knee arthroplasty. The technique of PCL
retention is difficult because the normal configuration and tension need to be
reproduced with ligament tensioners. Knowledge of the technique needs to be
improved before it can yield superior results compared to the more
straightforward techniques of PCL sacrifice or use of a posterior stabilized
design. Also, studies evaluating the effect of both techniques should address
the right outcome parameters such as range of motion, contact position, and
anterior-posterior stability.”
[1] Pereira DS, Jaffe
FF, Ortiguera C. Posterior cruciate ligament-sparing versus posterior cruciate
ligament-sacrificing arthrplasty. J Arthroplasty. 1998. 13;2:138-44. Accès restreint.
[2] Misra AN, Hussain MRA, Fiddian
NJ, Newton
G. The role of the posterior cruciate ligament in total knee. J Bone Joint Surg
[Br]. 2003. 85B;3:389-92. Accès libre.
[3] Victor J, Banks S, Bellemans J. Kinematics of
posterior cruciate ligament retaining and – substituting total knee
arthroplasty. J Bone Joint Surg [Br]. 2005. 87B;5:646-55. Accès
libre.
[4] Ritter MA, davis KE, meding JB, farris A. The role of
the posterior cruciate ligament in total knee replacement. Bone Joint Res
2012;1:64–70. Accès
libre.
[5] JacobsW, ClementDJ, Wymenga AAB.
Retention versus sacrifice of the posterior cruciate ligament in total knee
replacement for treatment of osteoarthritis and rheumatoid arthritis. Cochrane
Database of Systematic Reviews 2005, Issue 4. Art. No.: CD004803. Accès
restreint.
MV.
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