La rupture complète du ligament croisé
postérieur (LCP) provoque une instabilité postérieure avérée au niveau du
genou. Cette instabilité trouve pour l’instant une solution dans la
reconstruction chirurgicale du LCP. Le but est de remplacer le LCP lésé par un
transplant ayant pour fonction de limiter le tiroir postérieur (TP) et la rotation
externe (RE). Même si le LCP semble avoir la capacité de se reconstituer lors
de lésion partielle, le TP reste inchangé.
Sans reconstruction du LCP, le risque d'atteintes méniscales et chondrales augmentent avec une instabilité du genou conservée.
La revue Operative Technique in Sports
Medicine consacre en 2009 son numéro
17 aux traitements chirurgicaux du LCP et à la place de la réhabilitation.
L’article de Fanelli GC and coll. [1]
détaille les clés d’une « bonne » plastie du LCP. Se basant sur une
bibliographie plus fournie, Bowman KF and coll. [2] se montrent plus critiques concernant les réussites des
interventions chirurgicales sur le LCP. Lors de la 12ème journée de
Menucourt en 2003, Versier G [3]
revient sur l’épidémiologie des ruptures du LCP. Cet article permet de se
rendre compte de la prévalence des ruptures du LCP lors des accidents
traumatiques du genou.
Fanelli GC and coll [1] débutent également leur article par un retour épidémiologique
sur les accidents traumatiques du genou touchant plus particulièrement le LCP
en résumant les études publiées sur le sujet. Il semblerait donc que moins de
15% des lésions ligamentaires du genou touche le LCP de manière isolée, ce
pourcentage augmente jusqu’à 40% lors d’accidents traumatiques du genou. 80%
des personnes touchées par une rupture isolée du LCP sont des hommes [1,3]. Et contrairement à certaines
idées reçues, le ski n’est pas réellement pourvoyeur de ruptures du LCP, mais
celles-ci se retrouvent plutôt dans les sports-contact. Les mécanismes de
rupture se retrouvent dans l’hyper-extension passive appuyée (le placage avant
au rugby) et les traumatismes d’extension associées à des rotations externes
ainsi que des hyper-flexions. Les accidents de la voie publique, et
principalement les accidents de motos, comptent également une quantité
importante de rupture du LCP [3].
Tableau 1: Stadess du Posterior Drawer Test. |
Après une atteinte traumatique du genou, l’équipe
de Fanelli GC revient sur l’importance de l’examen clinique, soulignant ainsi
l’intérêt de prendre en compte différentes variables telles que la date de
l’accident traumatique, le détail des parties adjacentes touchées, le type de
lésion : chronique ou aigue et l’intérêt primordial de réaliser un examen
des instabilités. Pour ces auteurs, le Posterior Drawer Test (PDT) à 90° de
flexion de genou est la manœuvre la plus précise pour déterminer le type
d’atteinte du LCP. A partir de ce test, différents grades de lésions du LCP
existent en comparaison avec le côté controlatéral (voir tableau 1)
Posterior Drawer Test
Différents tests existent également et se
rapprochent du PDT, il existe le Quadriceps active test, le Godfrey’s posteriorsag test ou encore le reverse pivot shift. Il semble néanmoins important de
tester si le PAPE est touché en réalisant un PDT à 90° de flexion de genou avec
un pied orienté à 30° de rotation latérale.
Concernant l’imagerie, les auteurs [1] estiment que lorsque les tests
diagnostiques ne sont pas concluants, une radiographie en stress postérieur est
nécessaire pour évaluer plus précisément l’atteinte traumatique du LCP.
Lorsque le diagnostic est posé et que la
solution chirurgicale est choisie, il faut se rappeler que le but de la
chirurgie pour ce type d’atteinte est de remplacer l’ancien ligament par un
transplant imitant au mieux la fonction d’un LCP originel. Bowman KF et Sekiya
JK [2] expliquent que pour
l’instant, le seul traitement d’une lésion du LCP c’est sa reconstruction
chirurgicale. Cependant, il n’est pas si facile de trouver la bonne stratégie chirurgicale.
Les premières chirurgies de reconstruction du LCP ont été réalisées avec un
transplant à un seul faisceau. L’intérêt du simple faisceau était de remplacer
principalement le faisceau antéro-latéral (FAL), cette plastie possède des
résultats discutables car la tension de ce simple faisceau est très élevée lors
des mouvements de flexion-extension, avec une stabilité de genou très faible
pour des flexions supérieures à 60°. De part ces conclusions, des
reconstructions ligamentaires se sont faites en double faisceaux afin de copier
au mieux la synergie des faisceaux antéro et postero latéraux, diminuant ainsi
les forces de tension sur les transplants et sur leurs insertions. La plastie
en double faisceau provoque également une diminution de la RE plus importante
par rapport à une plastie simple faisceau. (cf
tableau 2)
Tableau 2: Les différentes plasties dans le traitement des ruptures du LCP |
Quelle
plastie privilégiée dans ce cas ?
La littérature scientifique ne semble pas si
concluante que cela concernant le choix de l’une ou l’autre de ces plasties [1-2]. Cette conclusion semble trouver
sa réponse dans l’hétérogénéité des plasties existantes dans la restauration
fonctionnelle du genou après rupture isolée du LCP..
Mais aussi dans le faible nombre d’études longitudinales comparant des
stratégies différentes d’interventions chirurgicales. Fanelli and coll. [1] soulignent alors les diverses
plasties qu’ils ont pu utiliser (tableau
2), en soulignant que ces stratégies de reconstruction possèdent leurs
propres ratios risques/bénéfices pour tel ou tel patient.
Fanelli GC [1] partage quelques consignes chirurgicales à prendre en compte dans
le traitement des lésions du LCP. Il; s’avère alors que peu de genoux aux
grades 1 et 2a sont opérés. Soulignant qu’il n’existe pas de protocole
universel, les auteurs conseillent une réhabilitation axée sur le maintien des
amplitudes, la préservation de la force musculaire et la sédation de douleur
et/ou inflammation. Pour eux, cette réhabilitation ne doit se faire qu'en
chaine cinétique fermée dans des amplitudes comprises entre 0 et 60° de flexion.
Les interventions chirurgicales ne sont
réservées que pour les grades 2b et 3. Les auteurs ne sont cependant pas
d’accord concernant la date de l’intervention post-traumatisme en aigu. Fanelli
GC semble favorable pour une intervention à 2 ou 3 semaines post-accident lui
laissant l’occasion de réduire l’inflammation contenue dans la capsule sous
arthroscopie. Alors que Boyd JL, Heckler MW semblent quant à eux, placer cette
intervention entre la 4ème et 6ème semaine afin d’attendre la cicatrisation de
la capsule et la diminution de l’inflammation du genou.
Comme à leur habitude, ces chirurgiens
proposent un protocole de rééducation Les cinq premières semaines se
définissent par le port d’une attelle d’extension, puis jusqu’à la 10ème
semaine, un travail de gain d’amplitude est débuté en même temps qu’une remise
en charge progressive de 20% par semaine. Les 3 mois suivants, le travail
d’amplitude perdure et des exercices de gain de force sont réalisés. De la 25ème
à la 36ème semaine, des exercices d’appuis, d’équilibre, de
proprioception. Puis à partir de la 37ème jusqu’à la 52ème
semaine, le retour à l’activité sportive est accordé sans restriction si et
seulement si la force, l’endurance et la proprioception du patient sont
optimales.
Figure 1: Solutions de prise en charge lors de rupture du LCP en aigu ou en chronique |
Au final Fanelli GC, Boyd JL et Heckler MW
retiennent 9 facteurs de succès pour cette intervention chirurgicale :
- Identification des instabilités
- Précision des tunnels
- Placement anatomique des sites d’insertion du transplant
- La qualité du transplant
- Minimiser la tension du transplant lors de son placement
- Tension du transplant régulée entre 70 et 90° de flexion
- Tension finale du transplant
- Vérification des fixations
- Rééducation appropriée.
Avis
du GERAR :
Les articles de Bowman KF [2] et Fanelli GC [1] sont des articles poussés concernant les explications
chirurgicales lors d’une plastie du LCP. Cependant, ils réalisent un tour
d’horizon intéressant sur le LCP et sa chirurgie. L’incidence des ruptures du
LCP étant moins importante que pour celle du LCA, l’évolution des plasties du
LCP semblent avoir suivi avec quelques années de retard celle observée pour les
suites d’une rupture du LCA.
La réussite d’une plastie du LCP passe donc
par neuf points pour Fanelli GC and al [1].
Si l’on regarde un peu mieux 8 des 9 points sont contrôlés par le chirurgien
sur lesquels il est facile de trouver des critères objectivables : position
précise des insertions via guidage arthroscopique, modélisation 3D de
l’articulation du genou, mesure précise de la tension de la plastie, etc.
Selon le tableau 2, pour le cas d’une
plastie en simple faisceau, le choix est grand dans la sélection du transplant.
Ne serait-il pas intéressant de choisir le type de transplant en fonction de
critères sélectionnés en amont de l’opération ? Est-ce que cette décision
thérapeutique pluridisciplinaire autour du patient existe-t-elle ? Se base-t-elle
sur le profil morphologique, anatomique du patient, sur ses envies
post-chirurgies, ses activités professionnelles et/ou sportives ? Ces
questions se font également l’écho lors de la sélection d’une plastie lors
d’une rupture du LCA.
Reprenant
le neuvième point, et en dernière position, nous voilà les professionnels de la
réhabilitation/rééducation. Nous garantissont alors au(x) patient(s) une rééducation
appropriée. Mais sur quels critères ? Dans leur article Fanelli GC and
coll. [1] énoncent un protocole de
rééducation qui propose une grosse période d’inactivité. Le GERAR s’était déjà
posé la question des conséquences de l’inactivité physique (ces
articles se retrouvent ici), conséquences qui semblent être importantes sur
une période de 5 semaines en extension stricte et sans appui. Pas sûr dans ce
cas que la rééducation suive strictement l’agenda prévu et que ces auteurs
aient consulté une équipe de professionnels rééducateurs.
L’optimisation des stratégies de rééducation
est un terme qui revient souvent. Quels sont alors les objectifs d’une
rééducation optimale ? Est-ce la reprise d’une activité physique au niveau
antérieur ? La capacité du patient à réaliser ces activités de la vie quotidienne ?
A partir de la 37ème semaine, la
reprise de l’activité sportive est accordée sans restriction sauf si le patient
ne contrôle pas son genou sur des critères proprioceptifs, de force et
d’endurance. Comment objectiver ces critères, quels sont les tests spécifiques?
A partir de quand les mettre en place ? La réponse se trouvera peut-être
dans les prochaines publications du GERAR.
Pour les curieux, un
site américain intéressant sur le sujet se trouve ici.
[1] Fanelli GC, Boyd
JL, Heckler MW. How I manage posterior cruciate ligament injuries. Oper Tech
Sports Med. 2009. 17 :175-93 – accès restreint
[2] Bowman KF, Sekiya JK. Anatomy and biomechanics of the
posterior cruciate ligament and other ligaments of the knee. Oper Tech Sports Med. 2009.
17 :126-34 – accès
restreint
[3] Versier G, Ollat D. Epidémiologie des
lésions du LCP. P 99-102 In
XIIème journée de Menucourt : LCA/LCP, nouvelles approches thérapeutiques
des ligamentoplasties du genou. Ed. Sauramps Medical. 2003. Ouvrage
MV.
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