27.11.12

Les stratégies chirurgicales après rupture complète du ligament croisé postérieur.

   La rupture complète du ligament croisé postérieur (LCP) provoque une instabilité postérieure avérée au niveau du genou. Cette instabilité trouve pour l’instant une solution dans la reconstruction chirurgicale du LCP. Le but est de remplacer le LCP lésé par un transplant ayant pour fonction de limiter le tiroir postérieur (TP) et la rotation externe (RE). Même si le LCP semble avoir la capacité de se reconstituer lors de lésion partielle, le TP reste inchangé.

   Sans reconstruction du LCP, le risque d'atteintes méniscales et chondrales augmentent avec une instabilité du genou conservée.
   La revue Operative Technique in Sports Medicine consacre en 2009 son numéro 17 aux traitements chirurgicaux du LCP et à la place de la réhabilitation. L’article de Fanelli GC and coll. [1] détaille les clés d’une « bonne » plastie du LCP. Se basant sur une bibliographie plus fournie, Bowman KF and coll. [2] se montrent plus critiques concernant les réussites des interventions chirurgicales sur le LCP. Lors de la 12ème journée de Menucourt en 2003, Versier G [3] revient sur l’épidémiologie des ruptures du LCP. Cet article permet de se rendre compte de la prévalence des ruptures du LCP lors des accidents traumatiques du genou.

   Fanelli GC and coll [1] débutent également leur article par un retour épidémiologique sur les accidents traumatiques du genou touchant plus particulièrement le LCP en résumant les études publiées sur le sujet. Il semblerait donc que moins de 15% des lésions ligamentaires du genou touche le LCP de manière isolée, ce pourcentage augmente jusqu’à 40% lors d’accidents traumatiques du genou. 80% des personnes touchées par une rupture isolée du LCP sont des hommes [1,3]. Et contrairement à certaines idées reçues, le ski n’est pas réellement pourvoyeur de ruptures du LCP, mais celles-ci se retrouvent plutôt dans les sports-contact. Les mécanismes de rupture se retrouvent dans l’hyper-extension passive appuyée (le placage avant au rugby) et les traumatismes d’extension associées à des rotations externes ainsi que des hyper-flexions. Les accidents de la voie publique, et principalement les accidents de motos, comptent également une quantité importante de rupture du LCP [3].

Tableau 1: Stadess du Posterior Drawer Test.
   Après une atteinte traumatique du genou, l’équipe de Fanelli GC revient sur l’importance de l’examen clinique, soulignant ainsi l’intérêt de prendre en compte différentes variables telles que la date de l’accident traumatique, le détail des parties adjacentes touchées, le type de lésion : chronique ou aigue et l’intérêt primordial de réaliser un examen des instabilités. Pour ces auteurs, le Posterior Drawer Test (PDT) à 90° de flexion de genou est la manœuvre la plus précise pour déterminer le type d’atteinte du LCP. A partir de ce test, différents grades de lésions du LCP existent en comparaison avec le côté controlatéral (voir tableau 1)

Posterior Drawer Test

 
   Différents tests existent également et se rapprochent du PDT, il existe le Quadriceps active test, le Godfrey’s posteriorsag test ou encore le reverse pivot shift. Il semble néanmoins important de tester si le PAPE est touché en réalisant un PDT à 90° de flexion de genou avec un pied orienté à 30° de rotation latérale.

   Concernant l’imagerie, les auteurs [1] estiment que lorsque les tests diagnostiques ne sont pas concluants, une radiographie en stress postérieur est nécessaire pour évaluer plus précisément l’atteinte traumatique du LCP.

  Lorsque le diagnostic est posé et que la solution chirurgicale est choisie, il faut se rappeler que le but de la chirurgie pour ce type d’atteinte est de remplacer l’ancien ligament par un transplant imitant au mieux la fonction d’un LCP originel. Bowman KF et Sekiya JK [2] expliquent que pour l’instant, le seul traitement d’une lésion du LCP c’est sa reconstruction chirurgicale. Cependant, il n’est pas si facile de trouver la bonne stratégie chirurgicale. Les premières chirurgies de reconstruction du LCP ont été réalisées avec un transplant à un seul faisceau. L’intérêt du simple faisceau était de remplacer principalement le faisceau antéro-latéral (FAL), cette plastie possède des résultats discutables car la tension de ce simple faisceau est très élevée lors des mouvements de flexion-extension, avec une stabilité de genou très faible pour des flexions supérieures à 60°. De part ces conclusions, des reconstructions ligamentaires se sont faites en double faisceaux afin de copier au mieux la synergie des faisceaux antéro et postero latéraux, diminuant ainsi les forces de tension sur les transplants et sur leurs insertions. La plastie en double faisceau provoque également une diminution de la RE plus importante par rapport à une plastie simple faisceau. (cf tableau 2)

Tableau 2: Les différentes plasties dans le traitement des ruptures du LCP

   Quelle plastie privilégiée dans ce cas ?
   La littérature scientifique ne semble pas si concluante que cela concernant le choix de l’une ou l’autre de ces plasties [1-2]. Cette conclusion semble trouver sa réponse dans l’hétérogénéité des plasties existantes dans la restauration fonctionnelle du genou après rupture isolée du LCP.. Mais aussi dans le faible nombre d’études longitudinales comparant des stratégies différentes d’interventions chirurgicales. Fanelli and coll. [1] soulignent alors les diverses plasties qu’ils ont pu utiliser (tableau 2), en soulignant que ces stratégies de reconstruction possèdent leurs propres ratios risques/bénéfices pour tel ou tel patient.

   Fanelli GC [1] partage quelques consignes chirurgicales à prendre en compte dans le traitement des lésions du LCP. Il; s’avère alors que peu de genoux aux grades 1 et 2a sont opérés. Soulignant qu’il n’existe pas de protocole universel, les auteurs conseillent une réhabilitation axée sur le maintien des amplitudes, la préservation de la force musculaire et la sédation de douleur et/ou inflammation. Pour eux, cette réhabilitation ne doit se faire qu'en chaine cinétique fermée dans des amplitudes comprises entre 0 et 60° de flexion.

   Les interventions chirurgicales ne sont réservées que pour les grades 2b et 3. Les auteurs ne sont cependant pas d’accord concernant la date de l’intervention post-traumatisme en aigu. Fanelli GC semble favorable pour une intervention à 2 ou 3 semaines post-accident lui laissant l’occasion de réduire l’inflammation contenue dans la capsule sous arthroscopie. Alors que Boyd JL, Heckler MW semblent quant à eux, placer cette intervention entre la 4ème et 6ème semaine afin d’attendre la cicatrisation de la capsule et la diminution de l’inflammation du genou.

   Comme à leur habitude, ces chirurgiens proposent un protocole de rééducation Les cinq premières semaines se définissent par le port d’une attelle d’extension, puis jusqu’à la 10ème semaine, un travail de gain d’amplitude est débuté en même temps qu’une remise en charge progressive de 20% par semaine. Les 3 mois suivants, le travail d’amplitude perdure et des exercices de gain de force sont réalisés. De la 25ème à la 36ème semaine, des exercices d’appuis, d’équilibre, de proprioception. Puis à partir de la 37ème jusqu’à la 52ème semaine, le retour à l’activité sportive est accordé sans restriction si et seulement si la force, l’endurance et la proprioception du patient sont optimales.

Figure 1: Solutions de prise en charge lors de rupture du LCP en aigu ou en chronique
   Au final Fanelli GC, Boyd JL et Heckler MW retiennent 9 facteurs de succès pour cette intervention chirurgicale :
  1. Identification des instabilités
  2. Précision des tunnels
  3. Placement anatomique des sites d’insertion du transplant
  4. La qualité du transplant
  5. Minimiser la tension du transplant lors de son placement
  6. Tension du transplant régulée entre 70 et 90° de flexion
  7. Tension finale du transplant
  8. Vérification des fixations
  9. Rééducation appropriée.

Avis du GERAR :                                                                                        
   Les articles de Bowman KF [2] et Fanelli GC [1] sont des articles poussés concernant les explications chirurgicales lors d’une plastie du LCP. Cependant, ils réalisent un tour d’horizon intéressant sur le LCP et sa chirurgie. L’incidence des ruptures du LCP étant moins importante que pour celle du LCA, l’évolution des plasties du LCP semblent avoir suivi avec quelques années de retard celle observée pour les suites d’une rupture du LCA.
 
   La réussite d’une plastie du LCP passe donc par neuf points pour Fanelli GC and al [1]. Si l’on regarde un peu mieux 8 des 9 points sont contrôlés par le chirurgien sur lesquels il est facile de trouver des critères objectivables : position précise des insertions via guidage arthroscopique, modélisation 3D de l’articulation du genou, mesure précise de la tension de la plastie, etc.
   Selon le tableau 2, pour le cas d’une plastie en simple faisceau, le choix est grand dans la sélection du transplant. Ne serait-il pas intéressant de choisir le type de transplant en fonction de critères sélectionnés en amont de l’opération ? Est-ce que cette décision thérapeutique pluridisciplinaire autour du patient existe-t-elle ? Se base-t-elle sur le profil morphologique, anatomique du patient, sur ses envies post-chirurgies, ses activités professionnelles et/ou sportives ? Ces questions se font également l’écho lors de la sélection d’une plastie lors d’une rupture du LCA.

  Reprenant le neuvième point, et en dernière position, nous voilà les professionnels de la réhabilitation/rééducation. Nous garantissont alors au(x) patient(s) une rééducation appropriée. Mais sur quels critères ? Dans leur article Fanelli GC and coll. [1] énoncent un protocole de rééducation qui propose une grosse période d’inactivité. Le GERAR s’était déjà posé la question des conséquences de l’inactivité physique (ces articles se retrouvent ici), conséquences qui semblent être importantes sur une période de 5 semaines en extension stricte et sans appui. Pas sûr dans ce cas que la rééducation suive strictement l’agenda prévu et que ces auteurs aient consulté une équipe de professionnels rééducateurs.

   L’optimisation des stratégies de rééducation est un terme qui revient souvent. Quels sont alors les objectifs d’une rééducation optimale ? Est-ce la reprise d’une activité physique au niveau antérieur ? La capacité du patient à réaliser ces activités de la vie quotidienne ?
   A partir de la 37ème semaine, la reprise de l’activité sportive est accordée sans restriction sauf si le patient ne contrôle pas son genou sur des critères proprioceptifs, de force et d’endurance. Comment objectiver ces critères, quels sont les tests spécifiques? A partir de quand les mettre en place ? La réponse se trouvera peut-être dans les prochaines publications du GERAR.



[1] Fanelli GC, Boyd JL, Heckler MW. How I manage posterior cruciate ligament injuries. Oper Tech Sports Med. 2009. 17 :175-93 – accès restreint
[2] Bowman KF, Sekiya JK. Anatomy and biomechanics of the posterior cruciate ligament and other ligaments of the knee. Oper Tech Sports Med. 2009. 17 :126-34 – accès restreint
[3] Versier G, Ollat D. Epidémiologie des lésions du LCP. P 99-102 In XIIème journée de Menucourt : LCA/LCP, nouvelles approches thérapeutiques des ligamentoplasties du genou. Ed. Sauramps Medical. 2003. Ouvrage

MV.

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