Toujours dans l’optique d’évaluer la pertinence de
l’utilisation de l’électrostimulation (EMS) en rééducation, le GERAR se propose de
résumer une nouvelle mise au point faite par Dehail.P, Duclos.C, Barat.M [1]. Les auteurs ont tenté d’analyser la littérature scientifique sur le sujet en s’appuyant sur de nombreux articles. Dès
la fin du XIXème siècle, l’étude physiologique des muscles a permis de mettre
en place l’utilisation de l’EMS sur des muscles privés du
contrôle nerveux périphérique pour l’augmentation de la force musculaire chez
le sportif. Par la suite, l’étude plus approfondie du fonctionnement
histochimique a permis d’élargir son utilisation dans le renforcement musculaire,
la lutte contre l’amyotrophie lors de l’immobilisations en vols spatiaux.
Effets physiologiques de
l’EMS directe sur le muscle sain: La stimulation se faisant au travers d’électrodes placées
sur la peau, ce sont les axones des nerfs moteurs périphériques qui sont
stimulés en premier. Etant donné que le seuil d’excitabilité des cellules
musculaires est supérieur, elles ne sont stimulées que secondairement.
Quant au mode de recrutement des fibres en fonction de
leur spécificité, il semblerait que l’EMS ne puisse pas
permettre une contraction différenciée en fonction de la taille des fibres. La
variation dans la stimulation du type de fibres recrutées dépendrait plutôt du
placement et de la taille des électrodes, ainsi que du type de muscle
sollicité. Lors de l’EMS, les unités motrices sollicitées sont différentes de
la physiologie puisque dans ce cas ce sont les unités motrices lentes qui sont
stimulées avant les unités motrices rapides.
Dans les études lues par les auteurs, il semblerait que
chez le sujet sain, l’EMS ait permis d’obtenir des modifications de la
physiologie musculaire. Dans certains cas, il apparaît une augmentation de la
section des fibres musculaire du type I. Ce phénomène semble accru lorsqu’une
contraction volontaire est associée.
Chez le sportif ayant des
entraînements réguliers: Selon des études chez les
rugbymens, il semble qu’après EMS du quadriceps, des
ischio-jambiers et du triceps sural, la force musculaire soit augmentée avec
des effets positifs également sur la masse et la fonction motrice (après 12
semaines)pas de précision. En revanche, ce gain de force n’améliorerait pas les
mouvements spécifiques liés au sport pratiqué (ex : mêlée, sprint...).
L’association d’exercices
sollicitant une contraction volontaire et l’EMS aurait un
bénéfice supérieur sur la force musculaire, uniquement si elle est comparée à
une absence d’exercice.
Il en ressort que la stimulation électrique
n’est pas plus efficace qu’un entraînement sans EMS et
spécifique à chaque pratique sportive. Au mieux, les gains sont identiques à
ceux d’une contraction volontaire. En conclusion, chez des sujets sains et
sportifs, l’EMS peut s’utiliser de façon complémentaire à un
entraînement spécifique ce qui améliorerait la force mais ne remplacerait pas
les exercices spécifiques au sport pour la coordination. Ceci est d’autant plus
intéressant que le patron de recrutement n’est pas le même dans
le cas de l’EMS et d’une contraction volontaire.
Immobilisation segmentaire: L’EMS est très
utilisée pendant ou après des immobilisations segmentaires dans le but de
limiter la fonte musculaire ou pour lever une sidération. Malheureusement, les
études randomisées dans ce secteur rapportent des résultats divergents.
Certaines études décrites par les auteurs rapportent un effet positif de l’EMS
sur le segment opéré ou traumatisé avec une moindre perte de force ainsi
qu’avec une amélioration plus rapide de l’état fonctionnel après 12 semaines.
Mais comme dans le cas de sujets sains ou sportifs, les gains de force et
l’augmentation de surface de section du quadriceps obtenus sont meilleurs s’ils
sont associés à une contraction volontaire contre résistance.
Les auteurs ont retrouvé deux
études dont l’une randomisée, où l’utilisation de l’EMS sur des patients ayant
eu une fracture sur un membre isolé obtenait une amélioration de la force et de
la mobilité par rapport au groupe placebo.
Alitement prolongé et
affections cachectisantes: De nombreuses études randomisées
ou non ont été faites chez des sujets BPCO ou insuffisants cardiaques pour
évaluer les éventuels bénéfices de l’EMS. Il en ressort, que
l’EMS utilisée en complémentarité des exercices habituellement
utilisés (tapis de marche, mobilisations actives des membres) dans ce type de
pathologie permettait d’améliorer la force des muscles stimulés, les capacités
de marche, les capacités aérobies , la qualité de vie, et de diminuer la
dyspnée dans les AVQ. Lors d’alitement prolongé, l’utilisation
d’EMS permettrait également de diminuer la durée de l’alitement.
Sujet sarcopénique: Lors du vieillissement, une perte de masse musculaire y est associée. Or des études ont montré que si des sujets âgés effectuaient des exercices contre résistance de façon régulière, comparables à des sujets jeunes, la physiologie permettait d’obtenir des gains de force et puissance similaires dans les deux cas. En revanche, face à la réalité et donc la présence de différentes pathologies chez un même sujet âgé, il semble difficile d’imposer ce rythme pour limiter la fonte musculaire. L’utilisation de l’EMS serait intéressante dans ce cas particulier. A l’heure actuelle peu d’étude se sont pencher sur la question et nous avons donc peu de résultats sur les bénéfices possibles de l’EMS sur la force musculaire et les modifications physiologiques éventuelles. Dans une étude récente citée par les auteurs, ont été comparés trois groupes le premier bénéficiant d’EMS, le deuxième d’exercices de montée et de descente d’escaliers et le troisième associait les deux, à raison de 4 séances par semaine pendant 6 semaines. Les paramètres analysés étaient la force musculaire, la composition corporelle et la détente verticale. Après 6 semaines de programme, il ne ressort aucune différence significative entre les trois groupes.
Pathologies musculaires et
neuromusculaires: Dans ce type d’affections les
résultats rapportés semblent contrastés. Il en ressort que dans des pathologies
telles que Duchenne de Boulogne ou Becker,
l’EMS couplée à des contractions volontaires seraient bénéfiques
en retardant la perte de force musculaire. Mais dans ce cas de pathologies il
semblerait important de stimuler à basse fréquence (10Hz) pour que ce soit
efficace. Un déficit de couplage excitation-contraction lors des hautes
fréquences (150 Hz) serait à l’origine d’un déficit d’intéraction
actine-myosine au seuil élévé d’activation.
La complexité de ces pathologies
et de la mise en place de programme d’EMS dans ce cas, sont les
causes principales de l’existence de peu d’études sur ce sujet.
Conclusion: L’utilisation de l’EMS dans différents milieux est très développée, en revanche son efficacité semble controversée. De nos jours, le manque d’études contrôlées ne permet pas de pencher vers une efficacité avérée. Dans un contexte sportif ou traumatique, il en ressort en revanche un élément intéressant, pour augmenter l’efficacité de l’EMS, il faudrait systématiquement l’associer à des contractions volontaires. Pour ce qui est des cas de sarcopénie, maladies neuromusculaires, il manque encore des études concluantes.
Avis du GERAR.
Cette mise au point est
intéressante puisqu’elle permet d’avoir un aperçu des études sur
l’EMS mises en place dans différents contextes (sportifs,
sarcopénie, maladies neuromusculaires, chroniques). Et nous remarquons, qu’en
fonction des secteurs les études sont plus ou moins nombreuses et les résultats
en ressortant plus ou moins concluants. Il semble que ce soit dans le milieu
sportif et dans les atteintes cachectisantes que les résultats soient les plus
probants et vérifiés. Pour le reste, il ne semble pas très bénéfique de préférer
l’EMS à des exercices actifs. En effet, l’exercice actif permet en outre une amélioration de la force musculaire,
une amélioration de la condition physique par une sollicitation plus importante
du système cardio-vasculaire, ainsi qu’une amélioration de l’état psychique par
une sécrétion hormonale associée.
D’autre part, lors d’une immobilisation
segmentaire ne serait-il pas plus bénéfique de renforcer le membre sain ?
les études à ce sujet sont nombreuses et l’efficacité avérée. Malheureusement
de nos jours, l’utilisation de l’EMS s’est banalisée, et elle
n’est pas toujours utilisée à bon escient, et son efficacité mis en doute. En
tant que collectif de thérapeutes, le GERAR attend avec impatience des études
contrôlées, randomisées avec des protocoles très détaillés pour que dans certains cas où l’exercice
volontaire deviendrait difficile (alitement prolongé, maladies neuromusculaires
dégénératives), l’EMS soit intéressante à utiliser.
[1] Dehail P, Duclos C, Barat M. Electrical stimulation and muscle strengthening. Ann Réadapt Med Phys 2008. 51:441-5 - accès libre.
A.A
A.A
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