19.11.12

L' Electromyostimulation pour qui? Pourquoi ?



   Toujours dans l’optique d’évaluer la pertinence de l’utilisation de l’électrostimulation (EMS) en rééducation, le GERAR se propose de résumer une nouvelle mise au point faite par Dehail.P, Duclos.C, Barat.M [1]. Les auteurs ont tenté d’analyser la littérature scientifique sur le sujet en s’appuyant sur de nombreux articles. Dès la fin du XIXème siècle, l’étude physiologique des muscles a permis de mettre en place l’utilisation de l’EMS sur des muscles privés du contrôle nerveux périphérique pour l’augmentation de la force musculaire chez le sportif. Par la suite, l’étude plus approfondie du fonctionnement histochimique a permis d’élargir son utilisation dans le renforcement musculaire, la lutte contre l’amyotrophie lors de l’immobilisations en vols spatiaux.

Effets physiologiques de l’EMS directe sur le muscle sain: La stimulation se faisant au travers d’électrodes placées sur la peau, ce sont les axones des nerfs moteurs périphériques qui sont stimulés en premier. Etant donné que le seuil d’excitabilité des cellules musculaires est supérieur, elles ne sont stimulées que secondairement.
Quant au mode de recrutement des fibres en fonction de leur spécificité, il semblerait que l’EMS ne puisse pas permettre une contraction différenciée en fonction de la taille des fibres. La variation dans la stimulation du type de fibres recrutées dépendrait plutôt du placement et de la taille des électrodes, ainsi que du type de muscle sollicité. Lors de l’EMS, les unités motrices sollicitées sont différentes de la physiologie puisque dans ce cas ce sont les unités motrices lentes qui sont stimulées avant les unités motrices rapides.
Dans les études lues par les auteurs, il semblerait que chez le sujet sain, l’EMS ait permis d’obtenir des modifications de la physiologie musculaire. Dans certains cas, il apparaît une augmentation de la section des fibres musculaire du type I. Ce phénomène semble accru lorsqu’une contraction volontaire est associée.

Chez le sportif ayant des entraînements réguliers: Selon des études chez les rugbymens, il semble qu’après EMS du quadriceps, des ischio-jambiers et du triceps sural, la force musculaire soit augmentée avec des effets positifs également sur la masse et la fonction motrice (après 12 semaines)pas de précision. En revanche, ce gain de force n’améliorerait pas les mouvements spécifiques liés au sport pratiqué (ex : mêlée, sprint...).
L’association d’exercices sollicitant une contraction volontaire et l’EMS aurait un bénéfice supérieur sur la force musculaire, uniquement si elle est comparée à une absence d’exercice.
 Il en ressort que la stimulation électrique n’est pas plus efficace qu’un entraînement sans EMS et spécifique à chaque pratique sportive. Au mieux, les gains sont identiques à ceux d’une contraction volontaire. En conclusion, chez des sujets sains et sportifs, l’EMS peut s’utiliser de façon complémentaire à un entraînement spécifique ce qui améliorerait la force mais ne remplacerait pas les exercices spécifiques au sport pour la coordination. Ceci est d’autant plus intéressant que le patron de recrutement n’est pas le même dans le cas de l’EMS et d’une contraction volontaire.

Immobilisation segmentaire: L’EMS est très utilisée pendant ou après des immobilisations segmentaires dans le but de limiter la fonte musculaire ou pour lever une sidération. Malheureusement, les études randomisées dans ce secteur rapportent des résultats divergents. Certaines études décrites par les auteurs rapportent un effet positif de l’EMS sur le segment opéré ou traumatisé avec une moindre perte de force ainsi qu’avec une amélioration plus rapide de l’état fonctionnel après 12 semaines. Mais comme dans le cas de sujets sains ou sportifs, les gains de force et l’augmentation de surface de section du quadriceps obtenus sont meilleurs s’ils sont associés à une contraction volontaire contre résistance.
Les auteurs ont retrouvé deux études dont l’une randomisée, où l’utilisation de l’EMS sur des patients ayant eu une fracture sur un membre isolé obtenait une amélioration de la force et de la mobilité par rapport au groupe placebo.

Alitement prolongé et affections cachectisantes: De nombreuses études randomisées ou non ont été faites chez des sujets BPCO ou insuffisants cardiaques pour évaluer les éventuels bénéfices de l’EMS. Il en ressort, que l’EMS utilisée en complémentarité des exercices habituellement utilisés (tapis de marche, mobilisations actives des membres) dans ce type de pathologie permettait d’améliorer la force des muscles stimulés, les capacités de marche, les capacités aérobies , la qualité de vie, et de diminuer la dyspnée dans les AVQ. Lors d’alitement prolongé, l’utilisation d’EMS permettrait également de diminuer la durée de l’alitement.

Sujet sarcopénique: Lors du vieillissement, une perte de masse musculaire y est associée. Or des études ont montré que si des sujets âgés effectuaient des exercices contre résistance de façon régulière, comparables à des sujets jeunes, la physiologie permettait d’obtenir des gains de force et puissance similaires dans les deux cas. En revanche, face à la réalité et donc la présence de différentes pathologies chez un même sujet âgé, il semble difficile d’imposer ce rythme pour limiter la fonte musculaire. L’utilisation de l’EMS serait intéressante dans ce cas particulier. A l’heure actuelle peu d’étude se sont pencher sur la question et nous avons donc peu de résultats sur les bénéfices possibles de l’EMS sur la force musculaire et les modifications physiologiques éventuelles. Dans une étude récente citée par les auteurs, ont été comparés trois groupes le premier bénéficiant d’EMS, le deuxième d’exercices de montée et de descente d’escaliers et le troisième associait les deux, à raison de 4 séances par semaine pendant 6 semaines. Les paramètres analysés étaient la force musculaire, la composition corporelle et la détente verticale. Après 6 semaines de programme, il ne ressort aucune différence significative entre les trois groupes.

Pathologies musculaires et neuromusculaires: Dans ce type d’affections les résultats rapportés semblent contrastés. Il en ressort que dans des pathologies telles que Duchenne de Boulogne ou Becker, l’EMS couplée à des contractions volontaires seraient bénéfiques en retardant la perte de force musculaire. Mais dans ce cas de pathologies il semblerait important de stimuler à basse fréquence (10Hz) pour que ce soit efficace. Un déficit de couplage excitation-contraction lors des hautes fréquences (150 Hz) serait à l’origine d’un déficit d’intéraction actine-myosine au seuil élévé d’activation.
   La complexité de ces pathologies et de la mise en place de programme d’EMS dans ce cas, sont les causes principales de l’existence de peu d’études sur ce sujet.

Conclusion: L’utilisation de l’EMS dans différents milieux est très développée, en revanche son efficacité semble controversée. De nos jours, le manque d’études contrôlées ne permet pas de pencher vers une efficacité avérée. Dans un contexte sportif ou traumatique, il en ressort en revanche un élément intéressant, pour augmenter l’efficacité de l’EMS, il faudrait systématiquement l’associer à des contractions volontaires. Pour ce qui est des cas de sarcopénie, maladies neuromusculaires, il manque encore des études concluantes.


Avis du GERAR.
   Cette mise au point est intéressante puisqu’elle permet d’avoir un aperçu des études sur l’EMS mises en place dans différents contextes (sportifs, sarcopénie, maladies neuromusculaires, chroniques). Et nous remarquons, qu’en fonction des secteurs les études sont plus ou moins nombreuses et les résultats en ressortant plus ou moins concluants. Il semble que ce soit dans le milieu sportif et dans les atteintes cachectisantes que les résultats soient les plus probants et vérifiés. Pour le reste, il ne semble pas très bénéfique de préférer l’EMS à des exercices actifs. En effet, l’exercice actif permet en outre une amélioration de la force musculaire, une amélioration de la condition physique par une sollicitation plus importante du système cardio-vasculaire, ainsi qu’une amélioration de l’état psychique par une sécrétion hormonale associée.
   D’autre part, lors d’une immobilisation segmentaire ne serait-il pas plus bénéfique de renforcer le membre sain ? les études à ce sujet sont nombreuses et l’efficacité avérée. Malheureusement de nos jours, l’utilisation de l’EMS s’est banalisée, et elle n’est pas toujours utilisée à bon escient, et son efficacité mis en doute. En tant que collectif de thérapeutes, le GERAR attend avec impatience des études contrôlées, randomisées avec des protocoles très détaillés pour que dans certains cas où l’exercice volontaire deviendrait difficile (alitement prolongé, maladies neuromusculaires dégénératives), l’EMS soit intéressante à utiliser.


[1] Dehail P, Duclos C, Barat M. Electrical stimulation and muscle strengthening. Ann Réadapt Med Phys 2008. 51:441-5 - accès libre.

A.A

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