La rupture du ligament croisé
postérieur (LCP) peut être traitée de deux manières. Le plus souvent un
traitement fonctionnel est recommandé, mais en présence de douleur chronique et
d’une instabilité importante en postérieur et en postéro-latérale, la chirurgie
peut être proposée. Quel est l’impact d’une chirurgie du LCP sur l’aspect
fonctionnel du genou ? C’est à cette question qu’a voulu répondre l’équipe
du Dr Djian P. en 2010 [1]. Cette
étude rétrospective s’intéresse à l’état fonctionnel du genou selon des
critères subjectifs et objectifs tout en évaluant la laxité du genou après
plastie du LCP. Ce mémoire, dont l’auteur principal est Wajsfisz A, est publié
dans la
revue Orthopaedics
& Traumatology: Surgery & Research, revue qui met en accès libre et gratuit tous les articles publié 2 ans auparavant. Cette revue existe
aussi en version française.
Cette étude inclut 11 patients d’une
trentaine d’années opérés suite à un accident de la voie publique ou après un
accident sportif. Ces patients ont été revus au minimum 12 mois après leur
opération. Avant l’opération, la subluxation du tibia était côtée selon
l’échelle de Clancy [2], les
patients devaient remplir l’IKDC (international
knee documentation comittee). La laxité postérieure était objectivée via 2
clichés radiographiques sous contraintes avec le TELOS et
une contraction des ischios-jambiers (IJ). Tous les patients ont été opérés
selon la même technique opératoire, ligamentoplastie par transplant os-tendon
patellaire-os et plastie via le tendon quadricipital pour 10 des 11 patients.
Classification de Clancy [2] |
Après l’opération tous les patients
ont suivi une rééducation classique. Ils
ont été revus avec un recul moyen de plus 20 mois, avec un maximum de 41 mois
et minimum d’un an. Les résultats de l’IKDC (évaluation subjective) étaient en
moyenne de 53 points avant l’opération, minimum 25 et maximum 98. Ces scores
sont passés à 68 points (min 68 & max 94) sans pour autant que cette
augmentation soit significative. En pré-opératoire, les genoux opérés avaient
une amplitude comprise entre 4 et 130°, en post-opératoire ces amplitudes
étaient comprises entre 2 et 128°. Seule la laxité en post-opératoire avec l’épreuve
du TELOS à 90° a diminué significativement : elle passe de 3,7 à 1,9mm
(p=0,05).
Bien que les auteurs soulignent qu’ils
n’ont pas utilisé les scores de Lysholm
et Gillquist ainsi que Tegner et
Lysholm par manque d’adaptation à la population, les scores IKDC retrouvés
sont similaires à des études précédentes. La correction du tiroir postérieur
est satisfaisante pour Wajsfisz A et al. [1].
La laxité calculée selon le score IKDC est correcte pour la vie de tous les
jours mais l’aspect sportif de ce
questionnaire est responsable pour les auteurs d’une diminution considérable du
score subjectif des patients.
Avis
du GERAR :
L’intervention chirurgicale semble
satisfaisante pour les auteurs, mais les scores IKDC ne sont pas
significativement différents après l’opération. Les auteurs justifient les
faibles scores de l’IKDC par l’impossibilité de réaliser certaines pratiques
d’activités physiques, pourtant le genou opéré est fonctionnel pour les
activités de la vie quotidienne. Seulement, l’IKDC ne possède pas un versant
important basé sur le sport, contrairement aux autres tests, est-ce pour cela
que les auteurs ont choisi ce questionnaire ? Dans tous les cas, la
pratique d’activité physique semble bien délicate et cela à plus de 20 mois
post-opératoire au minimum. Est-ce réellement satisfaisant pour les patients ?
Est-ce que la fonction de leur genou est redevenue normale ?
La laxité ne semble pas avoir changé
sauf sur le test avec le TELOS à 90° de flexion de genou. Cependant, une
contraction des IJ à 90° de flexion de genou provoque le même tiroir postérieur
avant et après la plastie. Il n’y a pas d’informations concernant l’intensité
de cette contraction mais elle semble être maximale, ce qui laisse présager
lors d’AP privilégiant les IJ des instabilités de genou à des grades importants
selon la classification de Clancy.
Il n’est pas donné d’indications sur
le délai respecté entre l’accident traumatique entraînant une lésion du LCP et
la date de la chirurgie. Mais si l’on suit la même logique que celle observée
dans le traitement des ruptures du ligament croisé antérieur, il est préférable
d’attendre la disparation de l’inflammation, c’est-à-dire quelques semaines, avant
de réaliser une plastie.
Le GERAR s’était posé la question il y
a bientôt 2 ans concernant le caractère prédictif du test isocinétique avant la
chirurgie. La greffe ne devrait-elle pas se définir en fonction des résultats
retrouvés pour les IJ ou le quadriceps (Q) ? Il serait donc préférable de
choisir un transplant sur les IJ sur ceux-ci possèdent des résultats plus
important que le Q. Cette logique est la même si les valeurs de force du Q sont
supérieurs aux IJ. Les tests de force isocinétique pourraient également prendre
une place importante dans le suivi de patients post intervention chirurgicale.
Même si la force des IJ et du Q ne semble pas varier en l’absence de LCP [3] après une chirurgie et en fonction
de la date du test, des différences doivent se retrouver.
D’un point de vue purement
statistique, cette étude comporte peu de patients. De ce fait les conclusions
énoncées doivent être prises en considération en rapport avec la puissance
accordée aux tests statistiques, c’est-à-dire faible. Le fait d’utiliser le
minimum et le maximum ne renseigne pas l’étendue de résultats de l’ensemble de
la population, il aurait été plus judicieux d’utiliser un tableau récapitulatif
de tous les patients et/ou d’utiliser d’autres critères tel que l’écart-type
pour décrire plus précisément la population.
Comme souvent dans ce type d’études,
trop peu de place est donnée à la rééducation, ou en tout cas, à l’explication
des exercices réalisés, à la fréquence des séances de rééducation, etc. Ce qui
est un biais méthodologique certain. Il est donc facile de se poser les
questions suivantes : est-ce la rééducation réalisée par les
professionnels concernés qui ne permet pas aux patients de réaliser toutes les
AP qu’ils désirent ? Sur quels critères méthodologiques se basent la
rééducation ?, Quels sont les moyens mis en place pour objectiver les résultats ?
De ce fait, nous pourrions prolonger cette discussion : quelles sont les
prétentions de la chirurgie pour ce type d’atteinte ? Le GERAR tentera
dans les futures publications de développer ces différents aspects. N’hésitez
pas non plus à commenter.
[1] Wajsfisz A,
Christel P, Djian P. Does reconstruction of isolated chronic posterior cruciate
ligament injuries restore normal knee function? Orth Trauma Surgery
Research. 2010.
96 ;4 :388–93 – accès
libre.
[2] Bisson LJ, Clancy
WG. Isolated posterior cruciate ligament injury and posterolateral laxity. In:
Chapman M, editor. Chapman’s orthopaedic surgery. Philadelphia; Lippincott Williams and
Wilkins; 3rd Ed: 2001, 2393-416 - ouvrage
[3] Vanwanseele B,
Sharpe T, Grassmayr M, Parker D, Coolican M. The kinematic and kinetic responses of athletes with posterior cruciate
ligament injuries. J
Biomech. 2008. 41;Supp1: S111. – accès restreint.
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