Le
travail en équipe est un élément dans nos pratiques apparaissant de façon
quasi-constante que ce soit en pratique institutionnelle ou bien en libéral. Et
malgré son aspect à priori central dans le soin, les moyens et les méthodes
enseignées sur l'interdisciplinarité restent encore obsolète dans les
formations initiales. Suite à une communication à l'occasion du CIFEPK 2014, le
GERAR souhaite revenir sur des références utilisées pour mettre l'accent sur
des pistes de réflexion (à développer collectivement bien sûr...).
Lin
Grimaud [1] est un psychologue-formateur travaillant sur les enjeux d'une équipe
de salariés tant dans son origine même que dans son déroulement et son comportement.
Il prend en exemple dans cet article les groupes des travailleurs sociaux.
Quid
de l'équipe pluridisciplinaire :
Tout
d'abord, il est important de réaliser qu'une équipe pluridisciplinaire est à la fois instance de
conception et instance de réalisation :
–
conception en intégrant la clinique de chaque professionnel
–
réalisation en formalisant un projet sur la base d’une analyse clinique pour
mettre en œuvre une prise en charge de l’usager
D'autre
part, l’exigence de résultat que représente la construction du projet dans ses
trois dimensions complémentaires – projet individuel, projet de service et
projet d’établissement – mobilise logiquement le travail clinique. Et pour
garantir son efficience, l’équipe pluridisciplinaire se doit de déceler les dérives,
comme des communications superficielles ou des quiproqui, par ses moyens
propres ou par le concours de tiers compétents.
A
partir d’hypothèses qui tiennent compte d’un faisceau d’observations, la synthèse
clinique réalisée par l’équipe pluridisciplinaire produit un résultat
qualitatif qui constitue le point de départ du projet individualisé.
Principales
étapes d'une réunion de groupe (fig.1) :
Cette
réunion peut suivre ce déroulement :
–
préparation de la réunion de synthèse (avec/sans l’usager) ;
–
présentation de sa clinique par chaque praticien ;
–
élaboration pluridisciplinaire de ces résultats ;
–
construction des hypothèses autour de la problématique de l’usager ;
–
définition technique de l’équipe en fonction de ces hypothèses ;
–
rédaction de cette position pour en présenter les termes formalisés à l’usager
;
–
discussion de cette position avec l’usager pour formaliser le projet individuel
;
–
signature du projet ouvrant droit à la prise en charge ;
–
suivi du projet et réajustement entre synthèses.
Figure 1: Schéma récapitulatif de la définition et du déroulement d'une équipe pluridisciplianire.
La
rivalité mimétique :
Un
autre point de vue inspiré des travaux de René Girard [2], il s'agit de l’étude
anthropologique de la subjectivité humaine appelée « rivalité mimétique ». Ce
facteur génère la violence humaine et, secondairement, l’ensemble des moyens
dont l’humanité tente de se protéger : les lois, règles, rituels et
institutions. La rivalité mimétique consiste à désirer ce que l’autre possède ;
désir du désir de l’autre au travers de ce qu’il a. Dans le cas d’un groupe
dont la vocation est de répondre à des exigences professionnelles, l’absence de
règles internes formalisées tout comme l’absence de regard externe constitue
des inconvénients majeurs en ce sens que rien ne pourra s’opposer aux flambées
de rivalité mimétique. Ces dernières seront toujours mises au compte du «
conflit de personnes ». Le conflit interpersonnel est tout ce qui reste comme
processus organisateur au sein d’une équipe qui a perdu ou ne s’est jamais donné
des principes formalisés de fonctionnement.
Une
réunion de synthèse efficiente :
La
réunion de synthèse est l’instance où ces processus de rivalité risquent de se
déployer le plus âprement du fait d’un manque de règles de prise de parole. La
parole devient l’enjeu des influences, du renforcement d’un leadership
informel, du détournement d’un territoire institutionnel en territoire privé,
de l'explicite à l'implicite. De plus, admettre le débat dès le début de la réunion
aboutit à la dégradation de la parole clinique. Il s’agit plutôt, par la règle
du tour de parole, de garantir en première partie de réunion des problématiques
de la prise en charge. En deuxième partie de réunion, elles pourront alors être
discutées directement dans le groupe.
La
première règle que préconise l'auteur est le cas où une synthèse dans laquelle
un seul participant n’a finalement pas pu présenter sa clinique ne doit pas être
validée. Il faut la refaire. Cette règle devra être garantie par le représentant
de la direction, présent obligatoirement à la réunion.
Avis
du GERAR :
La
représentation de l'équipe avec ses aspects de conception et de réalisation
nous fait remarquer que le groupe peu
être très évolutif dans sa forme et dans son fond. Sans être exhaustif,
le nombre d'intervenants, la définition
du projet, la constitution de groupes de travail peut varier suivant les
besoins de l'équipe et sa collégialité. Le but restera de maintenir une cohérence
par rapport à la prise en charge du patient (pour Grimaud de l'usager).
Si
les Évaluations des Pratiques Professionnelles (EPP) peuvent représenter une
valeur scientifique et médicale discutable car elle nécessite des compétences
et une logistique peu souvent au rendez-vous, il n'en demeure pas moins
qu'elles sont un terrain privilégié pour que chaque professionnel puisse
exprimer sa valeur ajoutée sur une problématique de soin. D'autant plus intéressant
que les EPP ont un système institutionnalisé permettant de réunir les trois
types de projets – individuel, service et établissement.
Concernant
le déroulement d'une réunion de synthèse et les étapes qui la composent, il
serait intéressant de pouvoir les transmettre dans le cursus des formations
initiales. Cela constituerait une mise en application pratique sous forme de
travaux de groupes par exemple et non pas théorique comme des expériences
rapportées qui éloigneraient l'aspect concret de cet outil multidisciplinaire.
L'argumentation
sur la rivalité mimétique nous impose une véritable réflexion sur la vie
professionnelle en groupe et tend à vouloir faire une autocritique sur
l'existence ou la capacité à travailler en équipe
La
fameuse première règle de Grimaud apparaît fondamentale et le GERAR encourage
pour que chaque soignant puisse en être garant dans le but d'un déroulement
efficient des réunions pluridisciplinaires.
Comme
le faisait remarquer Hannah Arendt, il ne s’agit pas seulement de savoir
comment fonctionne quelque chose, mais au nom de quel principe nous le faisons
fonctionner. Sans quoi nous tombons dans la situation du fonctionnement autoréféré
: dans cette forme moderne de tyrannie appelée bureaucratie.
NS.
[1]
Grimaud Lin, « Équipe pluridisciplinaire et clinique du projet », VST
- Vie sociale et traitements, 2008/2 n° 98, p. 100-109. Accès libre
Tirée
de l'article de de Grimaud :
[2]
R. Girard, Achever Clausewitz, Carnets Nord, 2007. résumé et critiques littéraires
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