Cette année pour les 30èmes journées
de traumatologie du sport de la Pitié Salpêtrière, les présentations qui ont le plus
intéressées les membres du GERAR ont été les débats concernant les traitements
conservateurs après rupture du LCA. Baudot
C. de la clinique du sport de Bordeaux et Delincé P. du service de chirurgie
orthopédique et de traumatologie du CHU Saint Pierre à Bruxelles, nous ont
décrit les stratégies et traitements conservateurs après rupture du LCA.
Les articles correspondant aux
présentations lors de cette journée se retrouvent dans l’ouvrage [1] à gauche de ce paragraphe.
Lésion
du LCA du genou : traitement conservateur ou chirurgical. [2,3]
Les mentalités ont évolué depuis 1970
car, avant une rupture du LCA était considérée comme un accident traumatique
grave avec des complications importantes et un retour sur le terrain sportif
plus qu’incertain. De plus, la reconstruction du LCA était suggérée afin
d’éviter les lésions méniscales et/ou réduire l’évolution gonarthrosique du
genou traumatique. La présentation de Delincé P tente de démêler le vrai du
faux concernant ces recommandations. Cette présentation s’appuie sur l’article
de ces 2 auteurs paru en 2012 dans la revue Knee
Surgery, Sports Traumatology, Arthroscopy
Il faut savoir qu’aucune étude ne
décrit l’évolution du genou après une rupture du LCA, la littérature
scientifique ne décrit pas l’état de détérioration du genou ni le risque que le
patient possède d’avoir une articulation moins fonctionnelle. Il n’existe pas
non plus de papiers sur les critères à prendre en compte pour choisir le
traitement thérapeutique approprié après rupture du LCA.
L’analyse des radiographies ne
renseigne pas réellement sur des clichés concernant le genou anormal car les
populations incluses sont toujours différentes, de ce fait les biais de
sélection sont importants : âge des sujets, types de traumatisme, délai
entre le trauma et l’inclusion dans l’étude, etc. De par les clichés
radiographiques, l’arthrose se définit selon des indices précis intégrant
différents stades, et notamment pour le genou les stades de Ahlbäck
ou de Kellgren
et Lawrence. Les indices pris en compte pour ces différents stades sont
l’espace de l’interligne articulaire du genou et/ou l’aplatissement des
condyles et/ou la présence d’ostéophytes sur les bords de l’articulation. Selon
certains, la présence de signes arthrosiques varient entre 10 et 70% après 5 à
15 d’une plastie du LCA.
La
reconstruction du LCA évite-t-elle une arthrose précoce ?
La littérature ne propose pas d’études
qui soulignent de manière rigoureuse une augmentation de l’arthrose après un
traitement orthopédique, ni une réduction des phénomènes arthrosiques au niveau du genou après un
traitement chirurgical. Le contraire est même retrouvé malgré des biais de
sélection évident, mais pour cette étude le traitement chirurgical augmente les
signes radiographiques d’arthrose précoce mais les sujets reprenaient leur
activité sportive plus tôt contrairement au groupe sans traitement chirurgical.
Quel recul sur le temps de suivi des sujets avec rupture.
Le
retour au sport ne peut se faire qu’après plastie du LCA ?
Il semblerait que la reprise
d’activité sportive dépend du niveau antérieur du sportif, de la longueur de
suivi par les thérapeutes et de la période à laquelle le sujet a été opéré.
Cependant, le profil psychologique semble être de plus en plus un aspect
important dans la reprise ou non du sport, avec cette notion d’une reprise au
même niveau ou à un niveau inférieur. Malgré les évolutions des techniques
chirurgicales concernant les plasties du LCA, la proportion de patients qui
retrouvent un niveau physique suffisant pour reprendre le sport semble être le
même après plastie du LCA ou après traitement conservateur.
La survenue d’une gonarthrose est
dépendante du type de traumatisme qui peut toucher les ménisques, mais
également la capsule et le cartilage. De ce fait la réception d’un saut sera
plus traumatisante qu’un mouvement de torsion au niveau du genou en suspension.
Il semblerait également pour le patient qu’une masse corporelle importante et
un âge avancé au moment de l’accident
soient des facteurs favorisant l’apparition d’arthrose. De plus, et corroborant
les remarques précédentes, les sports portés possèdent une incidence importante
sur l’apparition d’une gonarthrose ou coxarthrose, ce facteur de risque est
d’autant plus important que le sujet possède un IMC important et un niveau de
pratique important.
Le
délai entre le traumatisme et la plastie du LCA est-il important à prendre en
compte ?
OUI :
certains auteurs suggèrent que plus le temps est long entre le traumatisme et
l’opération chirurgicale, plus les risques de lésions associées augmentent.
NON :
d’autres chercheurs énoncent que ce n’est pas une variable importante car rien
ne prouve que la chirurgie diminue l’incidence de lésions secondaires. Il
n’existe pas non plus de différence entre une chirurgie réalisée à moins de 3
semaines par rapport à une chirurgie faite à plus de 6 semaines
post-traumatisme concernant l’apparition de lésions associées.
Les
ménisques sont-ils préservés après reconstruction chirurgicale du LCA ?
Il s’avère que le risque de se faire
opérer des ménisques est moins important chez des sujets ayant subi une plastie
du LCA que ceux qui ne se sont pas fait opérer. Même si cette remarque est
tirée d’une étude rétrospective qui ne s’intéresse pas à la latéralité de
l’opération méniscale. Même si aucun argument ne recommande une reconstruction
chirurgicale du LCA afin de prévenir une nouvelle lésion méniscale et une
évolution vers une arthrose précoce.
L’opération est recommandée lors de
laxité articulaire importante. Cette laxité n’est pourtant pas corrélée au
degré d’instabilité du genou que ressentent les patients. Il s’avère néanmoins
que le traitement chirurgical possède de mauvais résultats si le patient
possède un IMC supérieur à 30 et s’il fume. Au jour d’aujourd’hui, le
traitement conservateur ne possède pas de différence avec le traitement
chirurgical concernant la reprise des activités sportives, la récupération de
la force musculaire et le niveau fonctionnel. La problématique se retrouve donc
dans la structuration de la rééducation et donc des prises en charge réalisées
par les thérapeutes.
Les auteurs concluent que rien ne
prouve la réduction de l’incidence arthrosique post-traumatique, ni la reprise
de l’activité sportive après reconstruction du LCA. Il est donc nécessaire
d’informer le patient sur les différents moyens de reprendre leur activité
sportive et à défaut leur activité de la vie quotidienne après rupture du LCA.
Pour se faire, les professionnels entourant le patient doivent tester les
capacités musculaires, proprioceptives du genou et questionner le patient sur ses
objectifs à long terme.
Traitement
orthopédique de la rupture du LCA. [4]
L’objectif du traitement orthopédique
est de favoriser la cicatrisation du ligament. Celle-ci est reconnue depuis
1996. Celle-ci nécessite la plupart du temps une immobilisation de
l’articulation avec orthèse. Le type d’orthèse, le temps de maintien ainsi que
les degrés de liberté ne font pas encore l’objet d’un consensus clair au niveau
international. Néanmoins, la rééducation tient une place prépondérante dans le
traitement conservateur ou traitement fonctionnel de la rupture du LCA
Tramond and coll. [5], via leur étude, soulignent que 1/3 des patients après
traitement orthopédique ne reprennent pas la pratique sportive à leur niveau
d’activité physique avant le traumatisme. La présence d’un pivot shift au
niveau du genou est un signe péjoratif dans la reprise sportive. Le temps de
port de l’orthèse d’extension semble également être un facteur influençant
cette reprise sportive, plus celui-ci est long, plus il semble être délétère
pour un retour à l’activité physique. Cependant, faute de recul suffisant (21
mois), les auteurs ne peuvent conclure sur le devenir à long terme.
Baudot C and coll. [6] trois ans plus tard, présentent des
résultats plus mitigés. Cette étude comporte environ 300 sujets traités orthopédiquement,
dans lesquels seuls 50 sujets ont vu une cicatrisation du LCA rompu selon 2
modalités. Après le port d’une orthèse fonctionnelle, chez 78% des patients,
les fibres du LCA ont cicatrisé parallèlement
à la ligne de Blumensaat et seulement 22% de cicatrisation du LCA s’est
faite de manière pédiculisée sur le LCP. 17 mois après en moyenne, plus de la
moitié des patients ont eu un épisode d’instabilité et chez les patients
possédant un niveau sportif important (compétiteurs professionnels ou semi-professionnels)
plus de 75% de récidive. Pour les patients pratiquant un sport de façon
occasionnel, seulement 7% de cas d’épisodes d’instabilité. De ce fait, le
faible niveau de pratique sportive semble pronostiquer de bons résultats pour
une cicatrisation dirigée du LCA.
Baudot décrit alors un organigramme
décisionnel prenant en compte plusieurs paramètres et notamment la dichotomie
qu’il existe entre les COPERS et les NON COPERS. Terme qui désigne les patients
qui réagissent correctement à l’accident traumatique et/ou à l’opération
chirurgicale et ceux qui réagissent mal. Les NON COPERS quant à eux possèdent
une baisse de la co-contraction ischios-jambiers/quadriceps et des déficits
d’amplitudes moins importantes par rapport aux COPERS.
Avis
du GERAR :
La présentation de Delincé P. casse le
mythe qu’une rupture du LCA provoque systématiquement une arthrose du genou
précoce. Voici un argument de moins pour les chirurgiens peu scrupuleux qui
profitent de l’ignorance de certains patients pour les inciter à choisir la
stratégie chirurgicale.
L’arthrose une atteinte cartilagineuse
insidieuse et qui met du temps à s’installer, les prochaines études devront
comporter des cohortes de sujets plus grandes avec un suivi plus long du type
10 ans, 20 ans afin d’observer une atteinte arthrosique réelle et non pas
seulement des signes précoces.
Enfin, concernant la période entre la
trauma et la chirurgie, est-ce au chirurgien de décider seul ? Les
objectifs du patient doivent donc être pris en compte, son niveau de pratique
physique, son emploi et biensûr le type d’entorse avec notamment et on l’a vu, un regard tout particulier sur les
données anthropométrique du sujet.
De plus, la réhabilitation après
rupture du LCA semble être une bonne thérapeutique pour récupérer
fonctionnellement. La reprise du sport quant à elle semble dépendante du niveau
du patient et de certaines données anthropométriques.
La question qui reste en suspens
est : doit-on toujours se faire opérer après une période de réhabilitation
post rupture du LCA ? Si oui, cette opération est alors conseillée dans
une reprise sportive de compétition. Mais si le patient est sédentaire et
possède une pratique se limitant à des rencontres sportives au sein de son
entreprise, la réponse est beaucoup moins évidente. D’après ces présentations,
les épisodes d’instabilités peuvent renseigner sur l’intérêt d’une opération ou
non.
Les questionnaires d’activités
physiques sont alors des outils intéressants pour tenter de connaître le niveau
d’activité physique de ces sujets après rupture du LCA.
Généralement, les suites d’une
ligamentoplastie suite à une rupture du LCA s’estiment à un an post-opératoire.
Il est peut être intéressant de créer une étude comparative entre un groupe de
patients suivant un traitement orthopédique et/ou fonctionnel face à une groupe
poursuivant un schéma de rééducation classique. Et vérifier à un an le niveau
de pratique, les complications et la qualité de vie de ces sujets. Nous
pourrions donc estimer si le traitement conservateur possède plus d’avantages
que le traitement chirurgical.
Il n’est pas rare de rencontrer dans
nos pratiques respectives des patients qui apparaissent très débrouillards post
chirurgie et ce sont souvent ces mêmes patients que nous devons freiner. A
contrario, les NON COPERS sont ces patients qui ont du mal à quitter leur aides
techniques, garde le plus souvent un flessum actif et/ou passif et reste plus
longtemps en prise en charge en centre de rééducation et nous pensons que ces
mêmes patients réalisent plus de 40 séances de rééducation en libéral. Ce ne
sont certes que des suppositions, mais elles nécessitent d’être vérifiées. Ces notions s’articulent autour de valeurs
quantifiables par des tests simples mais qu’en est-il du profil psychologique
de patients COPERS et NON COPERS ? Il serait donc intéressant
d’investiguer le profil de chaque patient avant une opération, place donc à la
pluridisciplinarité et ouvrons nos œillères aux professionnels
compétents : les psychologues.
Beaucoup d’études s’intéressent aux
périodes post chirurgicales, mais si ce n’était pas cela le plus
important ? Et si la période pré-opératoire (si opération il y a au final)
serait d’une importance supérieure à la période post réhabilitation et/ou
rééducation ? Il est déjà admis que plus le patient possède un niveau
fonctionnel important (force musculaire et amplitudes articulaires) moins la
chirurgie possèdera un impact délétère sur ce patient. Mais dans quelle
mesure ? Y a-t-il une différence entre les COPERS et les NON COPERS ?
Les membres du GERAR auront surement comme objectifs de trouver des réponses
dans les prochains mois.
Bibliographie :
[1]
Besch S, Rodineau J. Le ligament croisé antérieur : De la
rupture à l’arthrose. 30ème
journée de traumatologie du sport de la Pitié Salpétrière. Elsevier Masson.
2012. 244 pages – ouvrage.
[2]
Delincé P, Ghafil D. Lésions du genou : traitement conservateur ou
chirurgical ? In Besch S, Rodineau J. Le ligament croisé antérieur : De la
rupture à l’arthrose. 30ème
journée de traumatologie du sport de la Pitié Salpétrière. Elsevier Masson. 2012. 51-68. - ouvrage.
[3] Delincé P, Ghafil D. Anterior cruciate ligament tears: conservative or
surgical treatment? A critical review of the literature. Knee Surg Sports
Traumatol Arthrosc. 2012 Jan;20(1):48-61. – accès restreint.
[4]
Baudot C. Traitement orthopédique de la rupture du LCA. In Besch S, Rodineau J.
Le ligament croisé antérieur : De la rupture à l’arthrose. 30ème journée de traumatologie du sport de la Pitié
Salpétrière. Elsevier Masson. 2012. 69-75. - ouvrage.
[5]
Tramond P, Benquet B. Traitement orthopédique des ruptures du ligament croisé
antérieur du genou à porpos d’une série de 62 cas. 2002. N°51 Accès
libre
[6]
Baudot C, Colombet P, Thoribet B, Paris G, Robinson J. Cicatrisation du
ligament croisé antéro-externe, devenir fonctionnel à plus d’un an. J Traumatol
Sport. 2005. 22 :141-7. Accès restreint
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