Placebo, qui es-tu ?
Suivant
les expérimentations, plusieurs types de placebo sont utilisés :
- Le placebo pur qui est une substance inerte
- Le placebo impur qui est substance inactive sur la pathologie
- Le placebo actif qui provoque des effets secondaires évitant le démasquage de traitement administré.
Beecher
dans une revue de 1955 [4] incluant
1082 patients sur 15 études fait ressortir une fréquence d’apparition de l’EP
moyenne de 35% chez une population de malades avec des valeurs extrêmes de
moyennes allant de 15 à 53%. L’EP peut donc dépasser le seuil critique de 1/3.
Placebo, où est tu ?
L’EP ne concerne pas uniquement les
traitements pharmacologiques mais
toutes les psychothérapies ou la chirurgie (sous-entendu
les soins paramédicaux aussi…). L’exemple d’un article des années 1950 [5]
propose une étude chirurgicale où était proposé une ligature de l’artère
mammaire interne pour traiter l’angine de poitrine. L’intervention placebo
consistait uniquement en une incision cutanée. Une majorité de patient avait un
score amélioré en terme de douleur, de périmètre de marche, de consommation
médicamenteuse durant une période d’observation de 6 mois.
Aucune
caractéristique n’est propre à l’EP si ce n’est celle d’imiter les effets du
verum. De plus, l’idée laquelle l’EP a une durée brève et non durable est
fausse comme décrit précédemment.
Placebo, comment fais-tu ?
Y’a
t-il des profils types de sujets prédestinés à développer des EP ? Y’a-t-il
des sujets « Placebo
répondeur » sensibles à l’EP ? Selon la revue de Lasagna [6],
la grande fréquence des sujets placebo-répondeurs « intermittents »
semble indiquer que la réponse au placebo dépend plus de facteurs situationnels
que d’une prédisposition individuelle. Cette notion de placebo- répondeur peut
être également biaisée par la prise en compte ou non de l’effet nocebo après
administration de placebo. L’anxiété est souvent citée comme facteur en cause
dans la manifestation d’un effet placebo mais il n’y a que très peu d’études
l’étudiant. La question soulevée serait de savoir si la réduction de l’anxiété
est cause ou conséquence de la réponse au placebo.
A
l’image du conditionnement pavlovien, une réponse à l’administration d’un
traitement est initialement « non
conditionnelle » (exemple : diminution de la douleur après
antalgique) puis après mécanisme d’apprentissage cette même réponse est conditionnée à un stimulus comme par
exemple l’administration d’un placebo. L’étude de Voudouris et Al [7] en est
un exemple. En comparant un groupe témoin, un groupe recevant un
conditionnement et des suggestions, un groupe recevant des suggestions seules
et un groupe recevant un conditionnement
seul, les auteurs concluent que le
conditionnement est le facteur le plus puissant parmi ceux responsables de
l’EP. Les attentes que peut avoir un
patient vis-à-vis de son traitement sont une variable cognitive à ne pas
négliger. Il s’agit de savoir comment le thérapeute ou l’expérimentateur peut
transmettre les attentes d’un traitement placebo versus un verum. Ces deux
modèles, conditionnement et cognitifs-attentes, ne sont pas exclusifs. Les
attentes peuvent venir moduler les
mécanismes d’apprentissage. Mentionnons également « l’ effet Hawthorne » selon lequel le seul fait de
participer à un protocole de recherche modifie les comportements [8].
Pour généraliser, les effets sont classiquement hiérarchisés selon la voie d’administration (les voies injectables plus efficaces que la voie orale), le lieu de
traitement (traitement hospitalier plus actif que traitement à domicile) ou la
couleur du produit. Le nom de commercialisation peut rendre compte d’un quart à
un tiers du soulagement global [9] ; par exemple les patients seront plus enclins à se soigner avec des
pillules Guéritou® que d’utiliser une crème Savafermal®.
D’un point de vue éthique, l’utilisation d’un placebo possède des limites
particulièrement sur certaines populations comme les malades en fin de vie ou
les enfants. Cela incite à développer des méthodologies d’étude comparant
perfusion « cachées » et « ouvertes », sans placebo.
Enfin,
il peut avoir confusion sur la distinction de l’effet placebo d’un traitement
et les renseignements sur l’étiologie par exemple de la douleur. En effet, sachant
que l’effet placebo est fréquent chez 35% des malades en moyenne utiliser un
placebo comme traitement d’épreuve pour apprécier la part « réelle »
ou « organique » d’une douleur est inadéquate. Associer une origine
psychogène à l’effet placebo sous-entendrait que cet effet ne puisse pas
induire une réponse physiologique équivalente au principe actif. Rappelons-nous
qu’en l’état actuel des connaissances, EP et
principe actif provoque des
réponses équivalentes du sujet étudié.
Avis du GERAR :
Les
auteurs ont fait un effort de synthèse qui a le mérite de clarifier les
mécanismes autour de l’EP. Il permet une première approche constructive à
propos de ces termes pour les novices avides de savoir en la matière.
Toutefois
si leur publication date encore de la dernière décennie, ce n’est pas le cas de
la majorité de leurs ressources bibliographiques. Cela pose une question
sous-jacente. Quel intérêt y’a t-il à valoriser l’EP d’une thérapeutique si ce
n’est de décrédibiliser la thérapeutique elle-même ? La logique cartésienne profondément ancrée dans nos médecines associée à une consommation quasi-systématique du traitement médical quel qu’il soit ne peut concevoir que la présence d’un principe
actif ou non ne différerait en rien les suites du traitement. Envisageons l’idée
qu’aucun lobby pharmaceutique ou thérapeutique ne veuille dévaluer leur produit
à commercialiser. Autre cas de figure, l’EP pourrait servir ces mêmes lobbys à
commercialiser des produits génériques.
Ainsi
l’EP serait fortement dépendant des circonstances situationnelles et
environnementales. Dans un contexte de plus en plus international et
cosmopolite, comment réussir à le distinguer au travers du nombre
d’interactions que cela suggère. Il est intéressant aussi de rappeler que la loi du 4 mars 2002 (Chapitre IV) incite les
thérapeutes au devoir d’information de prévention et d’éducation du patient. Il
convient dorénavant de ne plus pouvoir dissimuler l’EP car, ironie du sort,
cela pourrait avoir des effets néfastes sur le traitement proprement dit…
…
Ou bien améliorer et objectiver nos pratiques, cf les valeurs du GERAR.
NS.
[1]
GUY-COICHARD C., BOUREAU F. Comprendre l’effet placebo pour mieux traiter la douleur. Rev Med Int 26;2005:226-32
[2] SHAPIRO AK. Factors
contributing to the placebo effect. Am J
Psychother 1964;18:73-88
[3]
PICHOT P. A propos de l’effet placebo. Rev Med
Psychosom. 1961 ;3 :37-40
[4]
BOUREAU F. LEIZOROVICZ A. CAULIN F. Effet placebo sur les douleursmétastasiques osseuses. Presse Med 1988 ;17 :1063-6
[5] DIMOMD EG, KITTLE CF,
CROKETT JE. Comparaison of internal mammary ligation and sham operation for
angina pectoris. Am J Cardiol
1960:5:483-6
[6] DRICI MD, RAYBAUD F, DE
LUNARDO C, IACONO P, GUSTOVIC P. Influence of the behaviour pattern on the nocebo response of heathly volunteers. Br J clin Pharmacol 1995;39:204-6
[7] VOUDOURIS NJ, PECK CL,
COLEMAN G. The role of conditionning and verbal expectancy in the placeboresponse. Pain 1989;38:109-16
[8] BAILAR JC. The powerful placebo and the wizard of Oz. N Engl J Med 2001; 344 : 1594-602
[9] BRANTHWAITE A, COOPER P,Analgesic effects of branding in treatment of headaches. Br Med J. 1981;282:1576-8
Encore une fois, un article très intéressant. Bravo le GERAR. Toutefois, il se pose la question des techniques de placebo dans la cadre des interventions de face à face (rééducation, psychothérapie...) où un nombre considérable de facteurs peut modérer l'effet placebo comme l'alliance thérapeutique ou les attentes envers l'intervention.
RépondreSupprimerPour ceux qu'il veulent aller plus loin, je vous invite à écouter l'émission Sur les épaules de Darwin (http://www.franceinter.fr/em/sur-les-epaules-de-darwin/101515). Vous y apprendrez que l'on peut obtenir un effet placebo même si on en informe le patient plus quelques informations sur les potentiels mécanismes.
Deuxième info, l'effet placebo existe aussi pour l'activité physique (http://actiphysetc.wordpress.com/2010/07/08/leffet-placebo-lacticite-physique-et-la-sante/)