Démarrant
cette nouvelle cuvée d’articles sur l’électrostimulation (ES), le GERAR se
penche sur l’histoire de l’électromyostimulation avec un article de Dolhem R,
paru en 2008 dans les annales de réadaptation et de médecine physique [1]. Il
est alors curieux de s’apercevoir que cet agent thérapeutique de lutte contre
la douleur, a été découvert très tôt (200 avant JC) via l’emploi de poissons
électriques (raja torpedo et autres gymnotus electricus).
Utilisation rapidement mise de côté par Hippocrate, Aristote et autre Galien
devant la difficulté de production en quantité suffisante d'électricité. Il
faut alors attendre la naissance des condensateurs et machines électrostatiques
qui furent utilisés lors de bains électriques et électrisation par étincelles
durant une période s'étalant du 17ème au 19ème siècle.
C'est
cependant en 1786 que furent mises en évidence les réactions musculaires en
présence d'électricité: le Galvanisme
est né. Les années suivantes de nombreux savants de l'époque, dont Volta et sa
célèbre pile, rédigent de nombreux traités et mettent en avant les bienfaits de
l'ES concernant les rhumatismes ou autres pathologies ostéo-articulaires.
Cependant, l'électrothérapie ne trouve pas son public sûrement à cause du coût
des appareils, de l'importance de l'entretien et de la place qu'ils prennent,
mais aussi par l'émergence du nombre important de charlatans surfant sur la
vague du magnétisme et des effets l'électricité.
Poussé par
les travaux menés par Duchenne de Boulogne au 19ème siècle, l'ES est utilisée
localement pour décrire la physiologie des mouvements de l'homme, décrivant
ainsi une « anatomie animée ». De nombreux ouvrages vouant les
mérites de l’électrothérapie virent le jour vers la fin du 19ème
même si la communauté médicale n’intègre pas cette thématique dans ses
enseignements. Au 20ème siècle chaque chercheur, le plus souvent ce
sont des électroradiologistes, teste différentes techniques d'ES : la
convulsivothérapie, les électrochocs, l'électronarcose entres autres sont
découvertes. Vous trouverez ici un exemplaire de la revue internationaled’électrothérapie de 1890,
exemple concret des écrits de ces années où l’ES est testée sur un grand nombre
de pathologies.
Ces
différentes techniques utilisant un courant électrique évoluent avec la
miniaturisation et l'utilisation des premiers microprocesseurs. Dans les années
1960, l’électrologie se sépare de la radiologie et il apparaît alors une réelle
régression de l’électrothérapie qui se rapproche selon les auteurs, de plus en
plus de l’empirisme en étant présente dans la médecine du sport, la rhumatologie
et la masso-kinésithérapie.
Les années
1970 voient la première application clinique de la neurostimulation
transcutanée ou transcutaneous electrical
nerve stimulation (TENS) contre certains phénomènes algiques. Surfant sur
la vague du galvanisme, différentes méthodes sont créées afin de lutter contre
la faiblesse musculaire, de développer la technique de respiration
électrophrénique, ou encore de faire marcher des sujets paraplégiques.
Mais quel est
donc l’impact de l’ES sur l’humain, car via ce premier article, il est
difficile de saisir la réelle action que les techniques d’électrothérapies
possèdent sur nos patients par exemple. La revue générale de Bigard AX et al.
en 1991 [2], tente de mettre à jour ses actions.
L'hétérogénéité
du tissu musculaire, de part ses propriétés contractiles, structurales ou
métaboliques, engendre des réponses différentes en fonction des stimuli qu'il
subit. Ce sont alors les motoneurones innervant les différentes unités motrices
qui répondent aux stimuli électriques. La qualité des unités motrices innervées
est un élément important à prendre en compte lorsqu'elles sont stimulées par
des courants de diverses fréquences. Il s'avère alors que les unités motrices
des muscles phasiques, essentiellement composés de fibres rapides déchargent à
des fréquences comprises le plus souvent entre 30 et 60Hz, tandis que les
muscles toniques possèdent des fonctions posturales, donc composés plus de
fibres lentes déchargent à une fréquence de 5 à 15Hz.
La
suite de l’article met en lumière l’impact de l’ES sur les protéines
contractiles du muscle, sa structure, sa morphologie, ses propriétés
métaboliques, son activité enzymatique, etc. Paramètres d'abord développés chez
l’animal puis chez l’homme à des courants excitomoteurs de basse (10Hz),
moyenne (40 à 100Hz) et hautes fréquences (>100Hz).
Image de l'article de De Tillio Pononio. Acta ortop. bras. vol.18 no.2 São Paulo 2010 |
L'ES
de moyenne à haute fréquence provoque une métamorphose dans un sens inverse
d'une ES de basse fréquence, de ce fait et en fonction des protocoles, les
fibres de type I vont devenir des fibres de types II. Mais sans aucune
spécificité entre les fibres IIa et IIb, alors que l'ES de basse fréquence voit
une transformation des fibres IIb en IIa puis en fibres de type I. Même si ces
résultats sont remis en question quant à la différenciation des fibres rapides.
Les fréquences supérieures à 40Hz ne semblent pas impacter les protéines
contractiles, et peu d'études donnent des informations fiables concernant
d'éventuels changements au niveau des mitochondries, de la capillarisation.
Bien que certaines études soulignent une augmentation du débit sanguin provoqué
par un réseau capillaire plus conséquent.
Que se
passe-t-il chez l’homme ?
Aucune
expérience équivalente n’a été retrouvée sur l’homme. Ce qui conclut très vite à des études où peu, voire aucun
changement n’est constaté. Pourtant, comme le soulignent les auteurs, l’ES est
énormément utilisé dans les milieux sportifs ou rééducatifs mais les
conséquences métaboliques, enzymatiques et morphologiques de l’ES sont encore
floues. De plus contrairement à certains protocoles d’études sur l’animal, l’ES
est réalisée de manière superficielle et forcément dépendante de l’emplacement
des électrodes par rapport aux points moteurs. De ce fait, le faible nombre
d’études qui montrent une hypertrophie des fibres rapides et une augmentation
de la densité des mitochondries sont largement dépendantes du seuil de
tolérance des cobayes humains, des muscles subissant l’ES et du niveau
d’entraînement du sujet.
Avis du GERAR.
L'histoire
de l'ES passe par des hauts et des bas, tantôt reconnue, puis oubliée, voire
même discréditée. Ce premier article [1] permet de comprendre l'évolution du
concept de l'ES et ses déboires face à la
médecine. Cependant, peu d'informations sont données concernant son utilisation
de nos jours et sa place dans la rééducation. C'est pourquoi il est intéressant
de retrouver quelques informations d'une étude datant de 1991 concernant
l'impact de l'ES.
Même si cet
article annonce par blocs tous les changements qui semblent intervenir chez
l'animal et l'homme après des périodes d'ES, celui-ci permet une révision
complète des données physiologiques rapportées à l’ES, même si l'essentiel se
retrouve chez l'animal. Il est vrai que les études décrites sur l'homme datent
un peu mais le GERAR se devait de remonter le fil des études marquantes
concernant l'électromyostimulation afin de poser les bases de ce large thème.
L'équipe
de Bigard AX le souligne en proposant plusieurs limites concernant le peu de
données viables sur l’ES et les expériences sur l’homme: il n’existe pas
d’homogénéité au sein des protocoles, les muscles électrostimulés ne sont
jamais les mêmes, le temps d’ES, les fréquences et l’intensité de l’influx
divergent d’un protocole à un autre. Il est donc difficile d’imaginer le tibial
antérieur d’un homme stimulé toutes les 5 sec pendant 48h… Il existe aussi une
différence essentielle entre un muscle encore innervé et un muscle dénervé qui
subit de l’ES, même si les auteurs ne s’attardent pas trop sur cette
différence.
Mais qu'en est il aujourd’hui, car comme souligné dans ces articles, l’ES est très
utilisée en rééducation et dans le milieu sportif. Mais dans quelles
conditions ? Et pour quelles indications ? Les futures analyses du
GERAR nous en dirons un peu plus là-dessus.
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