31.8.12

Application de la stimulation électrique fonctionnelle en présence d'atrophie musculaire

      Les études qui utilisent l'électrostimulation (ES) sont nombreuses et cette technique est utilisée par de nombreuses personnes, de l’usager lambda dopé au télé-achat, désirant un corps digne des dieux de la Grèce antique, aux sportifs soucieux de leur récupération ou encore aux professionnels de santé dans le cadre de programmes de musculation. Cette technique est donc préconisée dans diverses indications et tend à se vulgariser.


Les méthodes de la stimulation électrique fonctionnelle (SEF) sont nombreuses et des praticiens de l’hôpital de Genève en Suisse [1] ont publié un article sur la méthodologie de la SEF. Ils annoncent l'intérêt de la SEF pour du renforcement musculaire chez le sportif mais aussi dans la prévention et le traitement des atrophies de non utilisation ou de dénervation. Concernant le muscle dénervé, une équipe marseillaise a publié une revue générale [2] sur l'intérêt de l'ES et son impact fonctionnel sur cette structure privée de son innervation. Cette revue tente de faire le point sur les dernières découvertes sur l'homme et l'animal. 

            Le muscle strié squelettique se contracte via 3 éléments : la stimulation électrique provenant du système nerveux central jusqu'à la plaque motrice, la réaction chimique fournissant l'énergie  nécessaire à la contraction et comme opération finale le changement structurel du muscle.
            Ziltener JL. et Chantraine A. [1] distinguent 2 types d’atrophie musculaire : l’atrophie de non utilisation et l’atrophie de dénervation. Les 3 éléments cités précédemment sont touchés de manière plus ou moins importante par tel ou tel type type d’atrophie.
            L’atrophie de non utilisation (développée également dans un article de 2011 par le GERAR) touche principalement les fibres I des muscles toniques, et celle-ci s’observe lors d’alitement et d’immobilisations prolongés ou lors d’atteintes du motoneurone supérieur. L’atrophie de dénervation quant à elle, apparaît lorsque le motoneurone périphérique est atteint et cette atteinte évolue très vite. Bien que le pronostic soit dépendant de la récupération et des nouvelles possibilités d’innervation, 2 mécanismes sont alors possible : la repousse axonale (informations supplémentaires ici ou ) et le bourgeonnement d’axones (informations supplémentaires ici ou ) D'ailleurs ces 2 mécanismes sont loin d'avoir une efficacité complète. De plus, la dénervation impacte également les propriétés électriques de la membrane musculaire avec une altération de la jonction neuromusculaire. Les auteurs soulignent que l'atrophie touche, à court terme, plus les fibres II que les fibres I. Cependant à long terme, les deux types de fibres sont touchés de manière homogène. En conséquence, les valeurs de force et de fatigabilité sont largement diminuées.

            Il est intéressant de souligner que les travaux portant sur la SEF divergent sur beaucoup de points, et notamment la forme, la largeur, et l’intensité de l’impulsion électrique délivrée. Il serait préférable d’utiliser des fronts d’ondes plutôt raides, c’est-à-dire rectangulaire, avec des intensités qui sont comprises entre 50 et 100Hz pour développer la force maximale et des intensités inférieures à 25Hz dans le cas d’un travail sur l’endurance. Ces intensités sont en adéquation avec celles développées dans l’article précédent – Découverte de l’électrostimulation et ses actions sur le corps humain. Le temps d’impulsion électrique joue également un rôle car il existe une relation linéaire entre la largeur d’impulsion électrique et la force générée. Les protocoles d’entraînement subissent également cette diversité, passant de quelques minutes, une fois par jour, 3 fois par semaine à plusieurs heures, 6 à 7 fois par semaine. Il semble également essentiel de positionner correctement les électrodes, de rechercher le point moteur du muscle et d'ajuster la taille des électrodes à la masse musculaire visée.

            Decherchi P. and coll. [2] approfondissent en détails les principes de l'électrothérapie mettant en lumière les différences entre des courants mono et biphasiques, continus et pulsatiles. Ils soulignent comme l'article précédent [1] l'importance de la durée et l'amplitude des phases (leur intensité) et la fréquence des stimulations électriques. Ils rappellent aussi [2] qu'une réponse physiologique d’un tissu au courant électrique se réalise selon 3 principes. Le stimulus doit atteindre une amplitude suffisante pour exciter le tissu, la vitesse de changement de voltage (front d’onde) doit être rapide pour éviter toute accommodation du tissu et entraîner un potentiel d’action.

            C'est dans l'atrophie de non utilisation que les études semblent être le plus nombreuses concernant la SEF. Il s’avère alors qu’en prenant compte de l’impact de ce type d’atrophie, les résultats des études privilégient la SEF seule ou en association avec des mouvements.
            La SEF sur une atrophie par dénervation ne fait pas ses preuves quant à son utilisation car 2 inconnues s’installent : Quelle est l’impact de la SEF sur le bourgeonnement axonal et comment réagissent des fibres musculaires dénervées en présence de SEF ? L'équipe de Decherchi P [2] développe toute une partie sur la classification des fibres nerveuses et les différentes manières dont elles peuvent se régénérer. (Envie de rebosser sa neurophysiologie ? Quelques adresses intéressantes ici ou ici)

            La SEF semble se positionner comme stratégie maintenant une survie musculaire même si celle-ci n’influence pas la régénération nerveuse. Lors d’études concernant l’électrostimulation (ES) sur fibres dénervées chez l’animal et soulevant une fois de plus le manque d’uniformité dans les protocoles, les auteurs soulignent des résultats divergents. Les auteurs constatent que sous ES avec des intensités ciblées, les fibres de type I peuvent se transformer en fibre de type 2 par quel mécanisme (ratio protéique, dénaturation, maturation). Concernant le retour de la sensibilité musculaire suite à une dénervation, il s'avère que chez l'animal l'ES permet le maintien des fonctions histologiques et physiologiques.
            Chez l’humain, il fallait s’en douter les résultats sont peu nombreux même si certains semblent corroborer les résultats retrouvés chez l’animal. Dans tous les cas, la SEF de muscles dénervés n'améliore pas la régénération axonale, mais la SEF est le plus souvent utilisée dans un objectif de maintien de la fonction musculaire lorsque les fibres nerveuses sont peu ou pas touchées.

Avis du GERAR

            Les études sur l'intérêt fonctionnel de l'ES semblent être nombreuses, mais faute de consensus, aucune ne sort du lot. Les auteurs de ces articles soulèvent un flou dans la littérature scientifique et souvent par mauvaise utilisation des courants électriques pour l'objectif considéré.
            Ces 2 articles se permettent de rappeler quelques notions de physiologie sur la myologie ainsi que des rappels importants concernant la SEF. Il est évident que certaines notions ont été développées dans des études plus récentes, ces papiers possèdent déjà une bibliographie bien fournie. Le GERAR tentera de trouver les derniers papiers sur ce thème.

            L’article de Ziltener JL. et Chantraine A. propose des indications concrètes et utiles concernant la SEF en cas de dénervation avec des régimes de contractions bien détaillés. Cependant et comme pointé du doigt, beaucoup de techniques de SEF dépendent du « constructeur de l'appareil utilisé, sans que l'utilisateur paraisse avoir réfléchi aux différents paramètres d'impulsion et régimes de stimulations. » [1]
            Après avoir consulté le manuel d'utilisation de certains appareils, et faute de ne pas avoir trouvé d'indications précises, il serait intéressant de savoir sur quelles données et résultats se basent les manuels de ces fameux constructeurs afin de paramétrer leurs produits sur des programmes tels que re-musculation, renforcement musculaire ou encore atrophie, pour ne citer qu'eux.

    De plus, en navigant sur la toile, vous pourrez trouver un article intéressant parlant de l’historique de l’électrostimulation écrit par De Labareyre H. en 2009 et qui complète et précise l’article du18/08/2012 du GERAR . Cet article a été écrit pour le compte de l’association des médecins de traumatologie du sport (AMDTS). Cette association met en lien libre et gratuit les communications réalisées lors de leur congrès. N’hésitez pas à y faire un tour.


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