Au sein de nos pratiques respectives, les activités écrans
(logiciels ludiques ou non) semblent être intégrés de plus en plus dans les
structures de réadaptation. Dans le cas d’exercices ou de bilans d’équilibre
sur plateforme, quelle est la pertinence des résultats obtenus ? Qu’en
pense la littérature scientifique ? Dans une optique d’objectivation des
performances, est-ce que les tests utilisés sont reproductibles ? Est-ce
qu’une seule session de test permet d’avoir les capacités réelles du
sujet ? Ces questions de reproductibilité ont été soumises à ces nouvelles
technologies qui investissent nos pratiques professionnelles : Le GERAR se
penche donc sur le cas de la
Nintendo ® Wii-Fit®, et particulièrement sur sa plateforme
d’équilibre la « balance board » car c’est souvent d’elle qu’il est
question dans la littérature [1-3].
Les auteurs soulignent [1-3] l’intérêt des tests d’équilibre
statique sur plateforme de force afin de mesurer le centre de pression (CP)
pour les patients. Ces tests permettent de suivre les suites de chirurgie en
terme d’appui plantaire, ou tout simplement de donner des indices de prédiction
des chutes chez les personnes âgées. Cependant ces tests sont couteux car ils
nécessitent du matériel haut de gamme, de ce fait certains chercheurs utilisent
le plus souvent le Berg balance scale, questionnaire subjectif sur l’état
d’équilibre du sujet. La Wii
balance board (WBB) de Nintendo® semble être, pour l’équipe de Clark [1], un
outil intéressant pour les cliniciens car peu couteux et mobile. Suivant cette
logique, ils décident de comparer les résultats obtenus entre une WBB et une
plateforme de force (PF) de laboratoire. 30 sujets sains de toute pathologie
ostéoarticulaire et neurologique ont passé un test en unipodal yeux fermés,
puis yeux ouverts sur 10 secondes de maintien, un test en bipodal pieds joints
yeux fermés et pieds écartés et yeux ouverts sur 30 secondes de maintien. Ces 4
tests étaient randomisés pour chaque sujet sur la PF et sur la WBB et réalisé en test re-test entre 24h et 2
semaines. Le trajet du centre de pression a été pris en considération pour le
traitement statistique. L’intraclass correlation coefficient (ICC) et le test
de Bland et Altman ont été utilisés pour quantifier respectivement la
reproductibilité des tests et re-tests et la validité de la WBB comparé à la PF.
Résultats : Il semblerait que la WBB possède une analyse
suffisamment fine, la rendant aussi efficace dans la mesure du trajet du CP
comparé à une PF. Les données de la
WBB possèdent également un ICC correct, supérieur à 0,80,
pour 3 des 4 tests d’équilibre. De plus, la WBB semble être moins précise concernant
l’évolution du trajet du CP. Concrètement il faut que le trajet du CP soit
modifié à plus de 27% en moyenne pour détecter un changement, alors que ce
changement minimum détectable est en moyenne de 22% pour la PF de cette étude.
De son côté, Wikstrom en 2012 [2] veut déterminer la
reproductibilité des scores proposés par la Wii-Fit ® sans le logiciel d’interface utilisé par
l’équipe de Clark 2 ans auparavant. Pour cela, ils testent 12 tests et
exercices en dynamiques ou en statiques sur la Wii-Fit chez une
population hétérogène. Il utilise le référentiel de mesure de la Nintendo , et en fonction
des exercices, celui-ci se calcule en pourcentage, en points ou en nombre de
cible atteinte. Selon la même logique de test et de re-test à une semaine
d’intervalle, Wikstrom utilise le coefficient de corrélation intraclasse ainsi
que le changement minimum détéctable (Minimal detectable change). Il calcule un ICC moyen de 0,59 (min 0,39 ; max 0,8) avec un changement minimum détectable moyen de 15,2 (min 1,4 ; max 40,5) en moyenne pour les 12 exercices proposés au
patient. Conclusion de l’auteur : La WBB de Nintendo possède une fiabilité très faible
et donc une validité à revoir concernant la reproductibilité des tests
physiques. Ci-dessous, d'après l'étude de Wikstrom [2], le tableau reproduisant les valeurs d'ICC, de Standard error of measurement (SEM) et de changement minimum détectable.
Avis du GERAR :
L’intégration de cette nouvelle technologie au sein de nos
répertoires d’exercices se base sur son côté ludique ou sur sa pertinence scientifique ?
Selon les recommandations de ces études, c’est plutôt la simplicité
d’utilisation et son aspect ludique qui ressort. C’est d’ailleurs les premiers
retours des patients lorsque qu’ils participent à des sessions sur la Wii-Fit. Est-ce la
même chose de votre côté ?
Pour ceux qui se posent la question des conflits d’intérêts,
les auteurs de ces études n’en possèdent pas. Ceci dit, les études utilisant la Wii-Fit comme
thérapeutique dans des études comparatives en possèdent surement.
Clark et al. récupèrent et utilisent le signal envoyé par la Nintendo afin de traiter
de manière plus précise la trajectoire du CP en fonction des exercices. D’après
leur protocole, la plateforme de Nintendo, la Wii-Fit semble être aussi
précise qu’une plateforme de stabilométrie. Young and coll [3] dans la même
année, approuve le système utilisé par l’équipe de Clark [1]. Pour ces auteurs,
il suffirait de maîtriser le logiciel Virtools pour capter le signal envoyé par
la console… pas une partie de plaisir. Si c’est le cas, vous pourrez à volonté
créer des nouveaux exercices d’équilibre.
C’est bien. Mais est-ce que nous savons
« pirater » le réseau Nintendo pour récupérer les données
brutes ? Et avons-nous le temps de créer des exercices ? Et
concrètement, est-ce que ce « travail réel » est codifiable via le
PMSI ? D’autant plus que certaines entreprises rendent accessible
l’analyse des appuis plantaires et leur traitement via leur propre logiciel et
plateforme. Certes le coût est plus élevé pour ce type de matériel, mais le
suivi de l’évolution de vos patients et/ou usagers n’en sera que plus
efficient.
Ces études n’observent pas l’impact d’un travail sur la Wii , mais plutôt la pertinence
des résultats obtenus. Celle-ci est remise en question par l’étude de Wikstrom
[2]. Clark et Young [1,3] utilisent seulement la WBB comme une plateforme ordinaire sans utiliser
les jeux wii-Fit. Peu d’intérêt pour les professionnels de terrain, car il y
aurait trop de manipulations informatiques. Au final, la Wii de Nintendo ne fournit pas
des indices d’évolution fiables lors d’un suivi de prise en charge. Difficile
de dire à vos collègues lors des staffs hebdomadaires, que madame X à gagner 5
étoiles de plus par rapport à son entrée, et qu’elle n’est pas loin de dépasser
le niveau de Mario. Et vous savez à quel point il est difficile de gagner ces
fameuses étoiles…
Concernant les protocoles des études précédentes [1-2],
réaliser des re-tests à plus d’une semaine, c’est oublier le caractère évolutif
parfois rapide d’une affection ou d’une pathologie touchant l’équilibre du
patient. Sur le terrain, le but est de passer un patient rapidement pour être
disponible pour d’autres prises en charge. Donc, 5 à 10 minutes peuvent être
des temps de test re-test intéressant. A vérifier si ce temps est souvent
utilisé avec la lecture d’autres publications sur cette même thématique mais
portant sur des sujets porteurs de pathologies..
Suite à ces articles, se pose la question de la
reproductibilité des données auprès de différentes catégories de patients sur
les plateformes de stabilométrie. A approfondir.
C’est la première fois que nous lisons un article qui parle
du changement minimum détectable. C’est pourtant est une donnée importante à
connaitre, elle semble être dépendante de l’effet apprentissage de la tâche à
exécuter. Plus cette tâche est inconnue au patient, plus sa capacité
d’apprentissage sera importante. C’est l’exemple typique de la courbe
d’apprentissage. Un sujet, pour une tâche bien précise, apprend très vite au
début puis à tendance à stagner. De ce fait, d’un essai à un autre il peut y
avoir d’énormes changements. Le changement minimum détectable est calculé en
fonction du SEM. Celui-ci est plus parlant que
l’ICC pour les thérapeutes sur le terrain [4]. Un article du GERAR tentera
d’éclaircir cette nouvelle donnée. Cependant, si vous en savez plus, libre à
vous de partager vos connaissances en rédigeant un article pour le GERAR.
L’espace des commentaires vous est également ouvert.
MV.
Bibliographie:
[1] Clark RA, Bryant AL, Pua Y, McCrory P, Bennell K, Hunt
M. Validity and reliability of the Nintendo Wii Balance Board for assessment of
standing balance. Gait Posture. 2010;31(3):307–310. Accès
restreint [2] Wikstrom EA. Validity
and Reliability of Nintendo Wii Fit Balance Scores. Journal of Athletic
Training 2012;47(3):306–313. Accès libre. [3] Young W, et al. Assessing and training
standing balance in older adults: A novel approach using the ‘Nintendo Wii’
Balance Board. Gait Posture (2010), doi:10.1016/j.gaitpost.2010.10.089 Accès
restreint. [4] Donoghue D. [4] Donoghue D. How much change is
true change? The minimum detectable change of the Berg Balance Scale in elderly
peopleJ Rehabil Med 2009. J Rehabil Med 2009. Doi.
10.2340/16501977-0337 Accès
libre.
Une traduction serait la bienvenue...merci ;-)
RépondreSupprimerhttp://www.jneuroengrehab.com/content/9/1/28
1. La GERAR ne traduit pas, our celà il faut aller se balader du côté de PEDro
RépondreSupprimer2. Nous vous proposons de faire un résumé selon la méthode GERAR et de le publier sur le GERAR ;-)
Bien à vous Anonyme (la prochaine fois, un nom prénom, c'est plus respectueux !)