21.12.11

Le cercle vicieux de la sédentarité


    Dans le monde de la réhabilitation, beaucoup de thérapeutes se trouvent confrontés à des patients qui ont peu d’envie pour faire de l’activité physique (AP) qu’elle soit de l’ordre d’une mobilisation active analytique ou bien d’une activité physique adaptée. Les patients sont dans un état de dépendance fonctionnelle difficile à assumer. Physiquement fragiles, les patients disent souvent ne pas avoir la force de bouger.

        Cette problématique nous amène à nous questionner sur la sédentarité. Il est difficile de définir ce terme. L’hypothèse serait qu’ « elle s’exprime par une condition physique médiocre avec une faible capacité d’adaptation à l’effort » [1]. La restriction d’activité d’un individu serait dépendante de l’intensité de l’activité elle-même. Berthouze-Aranda et Reynes [2] ont voulu faire une mise au point sur le processus physio-psychologique qui conduit l’individu dans le cercle vicieux de la sédentarité.

     Cette mise au point s’appuie sur les déterminants de l’inactivité physique décrits dans l’étude d’Alexandris [3]. Elle se concentre sur les contraintes intra-individuelles qui ont un rôle plus important que les contraintes environnementales et inter-individuelles. Ces contraintes qui concourent au processus de sédentarité ou au sédentarisme se rassemblent autour d’un concept, le syndrome 3H décrit par Simard. Appelé aussi « le syndrome de l’oreiller », il se compose en 3 étapes : hypoxie, hypokinésie, hypodynamie.
     Aranda propose une lecture physio-psychologique pour expliquer d’une part pourquoi la personne ne peut pas faire « physiologiquement », puis « physiquement » et d’autre part pourquoi la personne ne veut pas faire « psychologiquement ».

     L’AP peut se définir comme « tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques et dont le résultat est une augmentation substantielle de la dépense énergétique par rapport à la dépense de repos » [4]. L’inactivité physique, quant à elle, va provoquer une altération de la capacité aérobie. Pour déterminer la charge de travail supportée par un individu, la capacité aérobie est le paramètre principal de la condition physique.

Chez des personnes inactives, ou dont le niveau d’activité baisse, un certain nombre de marqueurs inflammatoires sanguins (parmi eux : les cytokines) se trouve modifié. Cela entraîne une altération de l’humeur et une augmentation des sensations de fatigue et de douleur.

    L’hypoxie (altération de la capacité aérobie) est un paramètre qui se corrèle avec l’hypodynamie du sujet. Représentant la dimension physiologique, l’hypoxie, s’associe à la dévalorisation de soi pour développer des comportements sédentaires délétères. Pour mettre en valeur cette inappétence à l’AP, l’équipe de Schiano-Lomoriello [5] a fait une étude sur des élèves d’Education Physique et Sportive (EPS). Cet exemple met en valeur la dimension psychologique dans laquelle l’individu s’inscrit. Suivant que l’élève perçoit son degré de compétence faible ou élevé, cela va favoriser une inappétence ou un dynamisme appétitif à l’AP.


    
    Une fois cet état d’hypodynamie installé, il est facile de tomber dans la « non-envie de faire » des AP. Le niveau de conduites sédentaires est lié à une conception moins valorisante de soi. L’article rapporte de nombreuses études établissant le lien entre une conception dévalorisée de soi et l’investissement des activités comme la télévision et les jeux vidéo. Pour expliquer leur appétence aux activités écrans, les enfants évoquent l’AP qui devient insatisfaisante, l’ennui, le manque d’énergie. Il transfèrent l’AP par l’écran permettant de retrouver un niveau de compétence autre mais aussi virtuel [6].

     En conclusion, le sédentarisme entraîne en boucle le manque d’AP, perte de capacité physico-physiologique, la diminution de l’envie de pratiquer et la dévalorisation de soi. La raison majeure de ce cercle vicieux reste pour Aranda et Reynes la perte de l’élément principal de la condition physique : la capacité aérobie.



L’avis du GERAR :

     Cet article fait une synthèse des processus conduisant à la sédentarité. Autour du syndrome 3H, nous pouvons ressortir les trois termes qui permettent d’objectiver la motivation de nos patients : hypoxie, hypokinésie, hypodynamie. Les thérapeutes que nous sommes analysent de manière subjective le profil du patient et son appétence à la rééducation. Si nous constatons bien que la fatigue engendre la fatigue, nous nous retrouvons dépourvus de moyens pour lutter contre ce phénomène. En conséquence, le sédentarisme peut être considéré comme une fatalité. Le syndrome 3H représente alors un élément de réflexion à propos de la sédentarité du patient. Cela nous permettra de développer des problématiques plus précises et des outils plus adéquats au besoin du patient : communication, prévention, réadaptation à l’effort, APA, soutien psychologique.

     Toutefois, si cet article nous permet de savoir en théorie comment se définit la sédentarité, il manque d’outils pratiques nécessaires à l’objectivation sous formes de tests ou d’échelles. Le GERAR veut approfondir ses recherches et espère ressortir des échelles faciles à utiliser dans le quotidien des thérapeutes et des patients.
Pour terminer, suite à cette lecture il serait intéressant de savoir comment chaque lecteur se considère. Suis-je sédentaire ou non-sédentaire, actif ou inactif ? Peut-il y avoir un juste équilibre ? Certains se posent ces questions de manière thérapeutique et scientifique avec un regard philosophique comme le site de Bernard Paquito. Cette saine émulation attend vos commentaires riches en débats.

NS.


1 commentaire:

  1. Très interesant cet article, et trouver des échelles simples mais révélatrices serait d'une grande aide car sont vraiment très necessaires dans la pratique quotidienne avec nos patients. Merci de partager votre recherche!

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