Comme abordé précédemment, l’exploration isocinétique est avant tout un outil d’évaluation fiable car non opérateur dépendant [1]. Plusieurs champs d’investigation musculaire chez le patient sont alors exploitables. À travers l’articulation du genou, nous allons aborder 3 exemples.
1. Évaluation à 6 mois post-opératoire d’une ligamentoplastie LCA du genou :
Une évaluation avant et après la période de renforcement ainsi qu’un entretien adapté à son autonomie physique objectiveront les progrès de renforcement isocinétique. Ce protocole de renforcement n’est donné qu’à titre indicatif. Les résultats que nous avons au cas par cas sont encourageants. Toutefois, nous n’avons pas encore d’éléments significatifs sur la validation de notre méthode.
Le renforcement en mode excentrique peut être une piste à exploiter car elle améliore la force d’un groupe musculaire par son gain en résistance des structures musculo-tendineuse [4]. La limite de travail reste difficile à apprécier et le seuil de tolérance est très variable en fonction des sujets De plus, la survenue régulière de douleurs types courbatures peut entraver sur le reste de ses activités physiques quotidiennes.
3. Lutte contre flessum en extension :
Le flessum du genou est une déficience fréquente chez les patients opérés du genou. Il a des répercussions sur la marche en causant des boiteries. Différentes techniques kinésithérapiques sont mises en place et cela suffit souvent à lutter contre flessum. Toutefois, une proportion persiste, l’isocinétisme avec son écran informatisé représente un moyen de feedback efficace pour certains patients présentant un flessum. Cliniquement, ces patients présentent un flessum avec des ischio-jambiers hypertoniques. Un travail de feedback en excentrique à 50% du MFM leur est proposé. Les séries se feront à des vitesses allant crescendo de 5°/s à 70-80°/s C’est une progression qui trouve le compromis entre une vitesse lente facilement contrôlable et une vitesse plus rapide qui se rapproche de la vitesse d’angulation à la marche. Après la séance, les boiteries à la marche sont nettement diminuées et le patient ressent que son genou est « libéré » comme après un étirement. L’avantage de cet exercice actif répétitif est de pouvoir adapter cette nouvelle liberté articulaire directement à la marche.
Ces trois exemples ne sont qu’un aperçu de ce que l’exploration isocinétique peut offrir comme moyen aux rééducateurs et à leurs patients en ortho-traumatologie. Bien d’autres domaines sont exploités. En rééducation neurologique, l’isocinétisme est utilisé en qualité de renforcement, en rhumatologie l’appareil est utilisé comme mobilisation passive analytique. Une vidéo sera bientôt en ligne pour mettre en valeur la méthodologie qui reste accessible à tout le monde.
[1] PROU E., SZCZOT A., BENEZET P., Evaluation isocinétique des effecteurs du genou : effets de l’apprentissage et de la stabilistaion du membre controlatéral. J. Traumatol.Sport. 2004 21, 197-203
[2] SESBOUE B., GUINESTRE J.-Y. La fatigue musculaire. 2006. Ann. Réadapt. Méd. Phys. 49, 257-264
[3] PUIG P.-L., TROUVE P., LABOUTE E. De l’intérêt d’une réathlétisation des ligamentoplasties du sportif pour préparer le retour sur le terrain. 2010. Lett. Méd. Phys. Réadapt. 26, 38-41
[4] MIDDLETON P., MONTERO C. Le travail musculaire excentrique : intérêts dans la prise en charge thérapeutique du sportif. 2004. Ann. Réadapt. Méd. Phys. 47, 282-289
NS.
Les chirurgiens orthopédistes adressent très régulièrement des patients présentant une ligamentoplastie LCA du genou. Nous les prenons en charge entre J7 et J45 avec pour première mission une rééducation à la marche sans aides techniques ni boiteries.
À court terme, les patients peuvent reprendre leurs Activités de la Vie Quotidienne (AVQ) et à moyen terme d’exercer à nouveau leur profession. La problématique se pose pour leurs activités sportives. La contre-indication de pratiquer ne se lève que progressivement suivant les contraintes propres à chaque sport.
Selon les différents protocoles de PEC, à 6 mois post-opératoire, les pivots et les sauts monopodaux commencent à être intégrés dans la rééducation. Nous réalisons alors une évaluation isocinétique bilatérale afin d’objectiver un déficit sur les groupes musculaires homologues. Ce bilan isocinétique est transmis au chirurgien ainsi qu’une anamnèse de la rééducation post-chirurgicale du patient, son sport et son niveau de pratique.
Ce test nous permet d’observer les paramètres de Moment de Force Maximum (MFM) et du ratio Agoniste/Antagoniste. Lors de cette exploration isocinétique, 2 modes d’évaluation sont réalisés.
La première se fera selon le mode concentrique en extension et flexion de genou à vitesse lente à 60°/s pour apprécier des valeurs de MFM. Pour valider la réalisation du test à vitesse lente, une série à vitesse rapide à 240°/s sera réalisée qui apprécie également le paramètre de puissance (P).
La seconde évaluation se fera en mode excentrique en extension. En effet, les modes concentrique en flexion et excentrique en extension testent les fléchisseurs de genou. Ces deux modes donnent régulièrement des proportions de déficit différentes pour un même sujet. De plus, le mode excentrique cible le rôle fonctionnel des ischio-jambiers (IJ), freinateur en extension de genou à la marche et à la course à pied. Le mode concentrique nous permettra d’avoir des données sur l’expression de sa force motrice en rapport avec la chaîne de commande de la contraction musculaire [2]. Le mode excentrique de par sa notion d’étirement nous renseignera sur la force musculaire en rapport avec ses structures passives (tendons, fascias, ligaments).
La question se pose pour le quadriceps, le mode excentrique serait tout aussi intéressant à évaluer. Dans le cas de ligamentoplastie LCA du genou à 6 mois post-opératoire, cette évaluation en chaîne ouverte provoquerait des contraintes trop importantes sur le néo-ligament. Les publications sur la cicatrisation du néo-ligament LCA et l’absence de consensus sur l’indication de la chaîne ouverte en excentrique du Quadriceps n’encouragent pas à prescrire cette exploration. Des utilisateurs assidus de l’isocinétisme diront qu’il existe une pièce « anti-tiroir antérieur » permettant de faire l’exercice en toute sérénité. À ma connaissance, son efficacité reste encore à démontrer.
2. Renforcement concentrique du couple Quadriceps/Ischio-Jambiers :
Que ce soit pour améliorer la force musculaire ou la relaxation découlant de l’effort maximum, le renforcement isocinétique est indiqué chez tout type de patient. Entretenir le membre sain, lutter contre les douleurs péri-articlulaires en relation clinique avec un déficit de force sont les indications régulièrement rencontrées par les membres du GERAR.
Le protocole sera établi selon une pyramide inversée de Davies [3] en mode concentrique, extension et flexion avec des vitesses d’angulation et du nombre de répétitions décroissant. Les extrêmes sont 240°/s x 15 et 60°/s x 3. La séance se fait sous forme de 11 séries avec 30 secondes de repos entre chaque (Fig.3). C’est le temps de repos nécessaire à la réoxygénation partielle des tissus musculaires mais assez restreint pour permettre de repousser le seuil d’anaérobie lactique. Cette séance-type sera réalisée quotidiennement, 5 fois par semaine.
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