11.1.12

Vitesse de marche: élément discriminant pour la suppression de cannes anglaises chez sujets porteurs de PTG?


       Le but de la rééducation fonctionnelle et réhabilitation physique pour une personne porteuse de prothèse de genou (PTG) est qu'elle retrouve une marche fonctionnelle, indolore et surtout une autonomie de déplacement. Les capacités de marche pré et post opératoires sont souvent comparées afin d’objectiver une évolution, mais quel(s) paramètre(s) fonctionnel(s) retenir.
    La vitesse de marche semble être un des paramètres essentiels que différentes études scientifiques retiennent. Cependant, avant de valider un test fonctionnel, il faut s’assurer de sa reproductibilité.

    Peu d’études ont vérifié la reproductibilité de la vitesse de marche chez des patients porteurs de PTG. L’équipe de Dauty en 2002 [1] a voulu tester la reproductibilité de ce paramètre avec ou sans aides techniques. Puis dans une seconde étude [2], Dauty et ses collaborateurs ont tenté de déterminer si la vitesse de marche sur le test de 10 mètres apportait une aide à la décision d’abandon ou non des CA.

  Cette étude porte sur 20 patients âgés de 60 à 81 ans, hospitalisés pour la rééducation d’une PTG en unilatéral. Les patients inclus dans l’étude possédaient un périmètre de marche de moins de 300 mètres et ont été évalués selon l’échelle de Lequesne afin de déterminer l’importance de l’atteinte arthrosique.

  Les patients ont réalisé un test de marche sur une distance de 14 mètres (2 mètres pour la prise d’élan et 2 mètres pour freiner, enregistrement des paramètres sur 10 mètres) où la consigne était de parcourir cette distance le plus rapidement possible. Le protocole est simple, tester les patients à un temps t (20ème jour post-op ± 2 jours), les re-tester à t+1 jour et réitérer ce protocole une semaine après. Lors des évaluations, les patients ont un essai d’échauffement avec cannes anglaises (CA) puis s’ensuit 3 essais avec CA et 3 essais sans CA. Tous ces tests ont été chronométrés par 2 chronomètres manuels et un chronomètre automatique à cellules photoélectriques.

  Les résultats indiquent que la reproductibilité inter-observateur et inter sessions est excellente. Il n’y a donc pas de différence entre opérateurs, qu’ils soient automatiques ou manuels et la vitesse maximale de marche n’est pas différente un jour après le premier test, qu’il soit réalisé en 3ème ou 4ème semaine post opératoire. Concrètement la vitesse de marche avec cannes sur cette distance de 0.71m.s-1 et 0,92m.s-1 avec CA et 1.05m.s-1 et 1.25m.s-1 sans CA respectivement en 3ème et 4ème semaine. Seule la vitesse de marche avec CA à la 4ème semaine augmente significativement par rapport à la 3ème semaine.

  Les limites de l’étude soulignées par les auteurs sont au niveau de l'absence de randomisation lors des différents passages, du faible nombre de sujets et le caractère maximal de la vitesse de marche. Le paramètre maximal lors d’une épreuve de marche est pourtant plus fiable en terme de reproductibilité qu'une vitesse de marche confortable, cette étude possède des valeurs comparables aux valeurs retrouvées dans la littérature pour le même type de population.

  Les enregistrements manuels sont fiables et peuvent tout à fait être utilisés pour ce type de test. Le test de 10 mètres de marche possède une reproductibilité excellente, c'est une évaluation simple, non coûteuse en temps et en argent et peut être utilisée chez des patients récemment opérés d'une arthroplastie de genou.

  Maintenant qu'une vitesse maximale de marche est objectivée et est reproductible avec et sans CA sur cette distance, est-ce que cette vitesse est discriminante pour enlever ou non les CA lors de la locomotion chez ces patients. Cette question trouve une réponse dans l'article écrit par l'équipe de Dauty en 2003 [2].La suppression des aides techniques est souvent décidée de manière subjective et c'est bien souvent le patient qui lâche ses cannes lorsqu'il s'en sent capable ou encore après appréciation subjective des risques de chutes.

  Reprenant le protocole précédent à l’exception des 3 essais sans CA et en incluant plus de sujets porteurs d’une PTG à 20 jours de la chirurgie. Les données récoltées sont analysées grâce à une courbe ROC (Receiving Operating Characteristic, plus d’informations ici ou ). Cette analyse permet d'établir pour cette étude deux vitesses maximales de marche sur cette distance: 0,55m.s-1 (18 secondes) où les auteurs préconisent le maintien des aides techniques lors de la marche, et 1,11m.s-1 (9 secondes) qui permet l'abandon des aides techniques à 3 semaines d'une pose de PTG. Entre ces 2 valeurs, les auteurs préconisent l'association de tests supplémentaires. De plus, les auteurs de l'article citent une étude de 1981 [3] démontrant que les patients ayant besoin d'aides techniques marchent moins vite que des patients marchant sans. Cette vitesse de marche est également moins importante chez des sujets chuteurs d'après cette même étude.

Avis du GERAR:
  Ces études prouvent par leur protocole commun que cette évaluation est simple à mettre en place et possède une bonne reproductibilité, ce qui peut positionner ce test comme une évaluation objectivable dans le cadre d'une PEC de patients opérés d'une PTG. Concernant la décision d'abandon des CA, le test ne donne pas encore assez d’informations, même si des valeurs seuils sont données et peuvent guider les thérapeutes de terrain dans leur décision. Il est donc important de coupler cette évaluation avec d’autres tests fonctionnels, par exemple l’évaluation de l’équilibre unipodal, etc.
  Pour des travaux de fin d’études, dans la cadre d’évaluation des pratiques professionnels ou même dans un « simple » désir d’objectivation de sa pratique, pourquoi ne pas augmenter la portée de ce test vers les patients porteurs d'une PTH, et tenter de comparer ces valeurs à des valeurs de références chez des personnes jeunes ou âgées ne possédant pas d'atteinte arthrosique. Quel est également l’impact d’un protocole sur la capacité des patients à abandonner ou non plus rapidement leurs aides techniques ? Toutes ces questions trouvent ou trouveront leurs réponses grâce à l’implication des thérapeutes dans la recherche biomédicale clinique de terrain.


2 commentaires:

  1. Comme survolé dans l'article, à quel diagnostic pertinant nous envoie l'étude de la vitesse maximal chez un patient possédant une PTG ou même une PTH? Le but est de "retrouver une marche fonctionnelle, indolore et une autonomie de déplacement". Une étude sur le coût énergétique du patient lors de ses déplacement avec et sans cannes comme dans l'article suivant serait-il plus pertinent pour évaluer ses capacités fonctionnelles et son autonomie?

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  2. Très bonne question. La pertinence des tests fonctionnels est souvent énoncée en terme d'utilité réelle, c'est à dire leur coût (humain, monétaire, impact sur le patient) et le temps que prend le test à être réalisé. Ensuite, il faut trouver une méthode suffisamment fiable pour évaluer le coût énergétique de ces patients.
    De plus, je ne suis pas sûr que le cout énergétique soit un paramètre fiable et important pour évaluer l'autonomie d'un patient. A approfondir, je vais tenter de faire des recherches complémentaires, mais je ne pense pas trouver des pépites.
    MV.

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