30.10.13

L'analyse statistique : et la pratique dans tout ça ?

   Une mauvaise analyse statistique vous donne également des p-values, des intervalles de confiance et autres résultats statistiques à interpréter. Le problème c’est que le logiciel utilisé, ne vous dira jamais si vous avez respecté les conditions pour utiliser ce test plutôt qu’un autre. Il est alors nécessaire d’aiguiser son sens critique et de vérifier votre analyse statistique.
   Les associations retrouvées en terme mathématique ne reposent sur aucun lien de causalité, bien que la statistique ne soit qu'une mathématique contextualisée [1]. Il faut alors se pencher sur la signification du statistiquement significatif. Est-ce que des résultats statistiquement significatifs sont cliniquement intéressants ? 


   Par exemple : Une diminution statistiquement significative de 0,8°C de la température cutanée au niveau du genou dans un groupe de patients opérés d'une ligamentoplastie améliore-t-elle la flexion ou la douleur à 2 semaines post-opératoires ? Est-ce qu'une augmentation statistiquement  significative de 14 mètres au test de marche de 6 minutes améliore l'autonomie des patients insuffisants cardiaques ?
   Il y a alors confusion entre d'un côté, un événement qui ne semble pas arriver par hasard (statistique) et de l'autre un effet sur la santé du sujet (clinique) [2]. Dénoncée depuis longtemps, l'erreur est donc de considérer que plus un résultat est significatif, plus il sera cliniquement intéressant. L'analyse critique des résultats passe par la recherche de relation avec la pratique et souvent, des résultats statistiquement significatifs n'ont aucun intérêt sur le terrain pour le thérapeute ou le patient [3]. Il n'existe pas de consensus sur la significativité clinique, car celle-ci est dépendante des situations, des professionnels, des patients, des pathologies et à fortiori du référentiel de l'étude. Il faut alors éviter toute généralisation des résultats et contextualiser les conclusions sous-jacentes [3].
   Les valeurs de la p-value, de l'intervalle de confiance (IC), de la taille de l’effet (TE) et de la puissance statistique (PS) ainsi que de la taille de l'échantillon sont importantes à considérer lorsqu'il est question d'effet clinique [1].

   Le tableau suivant représente quelques tests statistiques couramment utilisés dans la littérature scientifique.


   Il n'existe pas une analyse statistique pour une étude précise. La variabilité des données et des objets d'études, pousse les chercheurs à utiliser des traitements statistiques toujours différents. Cependant, avant de choisir un test statistique, quelques critères doivent être pris en compte. Les points à prendre en compte pour le choix d’un test statistique se retrouvent dans le tableau suivant:


   La facilité des analyses statistiques fréquentistes, développées par Pearson K et Fisher RA, a contribué à l'utilisation presque exclusive de leurs méthodes dans la littérature médicale [4]. Pourtant, la biostatistique fréquentiste est sujette à des critiques importantes depuis plus de 40 ans. Selon différents auteurs, un consensus interpelle les différents acteurs de la recherche prétextant que « les tests d'hypothèse nulle ne sont pas complètement stupides, mais les statistiques bayésiennes sont meilleures » [4]. Allons-nous observer la disparition des p-value, et des tests d'hypothèse pour prendre en compte de manière plus appropriée l'IC, la PS et la TE pour les futures analyses statistiques ?
   Cette remise en cause en faveur de la théorie de Bayes, qui applique son raisonnement sur des probabilités événementielles, pourrait revoir totalement l'utilisation de la logique statistique fréquentiste comme nous l'étudions en ce moment. C'est d'ailleurs l'inférence bayésienne qui est privilégiée lors des méta-analyses. Même si l'utilisation des biostatistiques bayésiennes, possède des limites, le prochain modèle statistique semble se créer à partir des théories fréquentistes et bayésiennes [5].
   La biostatistique est une discipline à part entière dans la littérature scientifique. Sa compréhension dans les études scientifiques ainsi que sa place prépondérante dans le protocole d'une étude clinique, fait de la biostatistique un élément majeur de la formation du thérapeute. Néanmoins, l'aide d'un biostatisticien est souvent nécessaire lors de la vérification de protocole et certaines analyses statistiques poussées, justifiant l'importance de la pluridisciplinarité dans le domaine de la rééducation [6].

Avis du GERAR :
   Pas si fréquents les articles qui concluent d’une significativité clinique. Il faut connaître les limites du statistiquement significatif et toujours baser les conclusions de l’étude à l’étude même, surtout lorsqu’il s’agit d’études possédant de petits échantillons.

   A la suite de ces 4 articles, plusieurs constats :

  •    Les biostatistiques ne sont pas un domaine des mathématiques facile à expliciter, car celui-ci nécessite le plus souvent un bon bagage mathématique. Les commentaires sur les autres articles traitant de cette thématique le prouvent.
  •    Cette notion de cliniquement significatif doit être plus développée afin de permettre à certains thérapeutes de ne plus/pas utiliser des techniques, ou de stratégies de prises en charge qui ne permettent pas des résultats optimaux en sortie de rééducation ou de réhabilitation. Mais ces remarques supposent que les professionnels de terrain possèdent le temps et/ou de l’intérêt pour les articles scientifiques MAIS aussi une lecture critique des articles qu’ils lisent. Continuons à développer la notion de la taille de l’effet « size of effect » (infos ici et ) afin de développer des thérapeutiques sur des résultats statistiques pertinents.
  •    Les professionnels stagiaires prennent conscience de l’importance des biostatistiques sur les bancs de leur formation. Et ensuite ? Ils savent se servir des logiciels, mais ne possèdent pas souvent en tête la logique des tests statistiques qu’ils utilisent et ne maîtrisent pas totalement la manière de présenter leurs résultats. Pour ceux et celles qui n’ont pas l’occasion d’apprendre les premières notions de biostatistiques, car il est rare d’apprendre tout sur l’inférence statistique lors de nos formations respectives, beaucoup d’organismes proposent des cours de perfectionnement ou de découverte. Preuve que cette matière ne demande qu’à être développée. Le GERAR a pu participer à 2 cours en ligne faisant partie des « massive open online course ». Ces célèbres MOOC semblent avoir le vent en poupe. Ces cours sont bien conçus et le matériel pédagogique est excellent. Il faut savoir que la plupart de ces cours sont en anglais, mais l’anglais scientifique ne pose pas trop de soucis de compréhension. Par contre, le temps nécessaire pour ingurgiter tous les concepts développés et répondre aux questionnaires de fin de semaine est compris entre 4 et 8h par semaine. Pas encore de validation de crédits en France, mais pour se tester ou pour récupérer des tonnes d’informations en vidéos et en format .ppt ainsi que des articles scientifiques explicatifs, il ne faut pas hésiter. Vous trouverez quelques cours en lignes concernant les statistiques sur ces 3 grandes plateformes américaines que sont EdX, Coursera et Udacity. Certains de ces cours sont déjà passés, mais d’autres sont en préparation.
  •    Pourquoi ne pas organiser de topos par/pour des élèves en formation concernant une analyse statistique bien précise ou d’un tutoriel de logiciel statistique. Ou encore des soirées scientifiques dédiées aux statistiques dans le monde de la santé pour les professionnels de santé ? Un constat : Dans les congrès scientifiques, quasiment aucune place n’est accordée à la lecture critique des statistiques…A quand alors des tables rondes autour de cette thématique.
  •    La significativité clinique pose aussi la question du dialogue entre les cliniciens et les chercheurs ? Qu’est-ce qui intéressent les chercheurs et qui n’intéressent pas les thérapeutes, ou l’inverse ? Intérêt encore marqué pour des projets d’études jouant sur la pluridisciplinarité des professionnels touchés par la thématique de la recherche.

   Pour terminer, une petite vidéo réalisée lors du congrès Epsylon en avril 2013, où Bruno Falissard explique sa vision de l’évaluation des pratiques non médicamenteuses. Bon visionnage car cette vidéo est très intéressante. http://www.youtube.com/watch?v=7Cw966P9Oks


Bibliographie :
[1] Gattuso L. L'enseignement de la statistique, où, quand, comment, pourquoi pas ? Statistique et Enseignement. 2011 2;1:5-30. Accès libre  [2] Lang T. Twenty Statistical Errors Even YOU Can Find in Biomedical Research Articles. Croat Med J. 2004 45:361-70. Accès libre.  [3] Akobeng AK. Confidence intervals and p-values in clinical decision making. Acta Pædiatrica. 2008 97:1004-7. Accès libre  [4] Meyer N, Vinzio S, Goichot B. La statistique bayésienne : une approche des statistiques adaptée à la clinique. Rev Med Interne. 2009 39:242-9. Accès restreint. [5] Wong AYL, Warren S, Kawchuk GN. A new statistical trend in clinical research - Bayesian statistics. Physical Therapy Reviews. 2010 15;5:372-81. Accès restreint.  [6] Roy PM, Calvel L, Dubart AE, Jabre P, Ricard-Hibon A, Thys F and al. Guide pratique de recherche clinique. S-Editions; 2008. Ouvrage.

NB : Cet article ainsi que les suivants traitant de l’analyse statistique, sont librement inspirés du dossier spécial « biostatistiques : la dimension collective de nos individualités », paru dans la revue Kinésithérapie La Revue numéro 138, auquel le GERAR a participé. Il est bien évident que vous retrouverez de plus amples détails (contenu et bilbiographie) dans les articles originaux.  
Vergnault M. Place des biostatistiques dans la littérature scientifique. Kinesither Rev 2013;13(138):16–19 Accès restreint.   Vergnault M. Principes et raisonnement en biostatistiques. Kinesither Rev 2013;13(138):20–24 Accès restreint.   Vergnault M. Quelles biostatistiques pour quelles études? Kinesither Rev 2013;13(138):25–30 Accès restreint

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Quand je lis ce billet, je me dis que j'aurais pu (dû ?) voter pour votre blog pour les awards, et ce à plus d'un titre. D'abord parce que vous acceptez la critique, ensuite parce que vous y répondez, et enfin parce que, d'une certaine façon, vous l'intégrez à votre contenu.

    Vos lecteurs peuvent être assurés de votre honnêteté, et j'espère qu'ils l'apprécient à sa juste valeur. Et même si je suis personne pour le dire... et bien je le dis quand même ;-)

    Voilà, l'anonyme des stats vous souhaite une bonne continuation !

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    Réponses
    1. Merci Anonyme!
      Vos commentaires ont joué leur rôle de reviewing et c'est ce que cherchent les membres du GERAR: une discussion argumentée autour des thèmes qui nous entourent.
      Je serais ravi de continuer de discuter de ce thème avec vous par mail.
      mathieu.vergnault[at]hotmail.fr

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