27.4.13

Exemple de rééducation après ligamentoplastie du ligament croisé postérieur (LCP)

   Au cours de ces derniers mois, le GERAR a abordé certains aspects concernant le LCP : biomécanique, chirurgie… Aujourd’hui, c’est le résumé d’une présentation réalisée lors de la XIIème journée de Menucourt : LCA/LCP : nouvelles approches thérapeutiques des ligamentoplasties du genou [1] que nous ferons.

   Cette présentation avait pour objectif principal de donner un exemple de  protocole de rééducation après ligamentoplastie du LCP.
    
   A ce jour les ruptures du LCP restent moins nombreuses que celles du ligament croisé antérieur (LCA), elles sont souvent responsables d’une atteinte dégénérative du compartiment fémoro-tibial médial et de l’articulation fémoro-patellaire. Les ruptures du LCP font souvent partie des lésions associées lors de traumatismes survenus lors d’un accident de voiture ou de moto. Les ruptures du LCP sur traumatismes sportifs restent rares.

   Le traitement chirurgical est préconisé chez des sujets jeunes présentant une instabilité postérieure symptomatique avec un tiroir postérieur supérieur à 10mm. Différents greffons peuvent être utilisés : le gracile, le semi tendineux, le tendon patellaire, le tendon quadricipital. Ce sont souvent des plasties à deux faisceaux.
Suite à la chirurgie, il existe un processus de ligamentisation en quatre stades comme pour le LCA : nécrose avasculaire, revascularisation, prolifération cellulaire, remodelage du collagène. Entre le 12ème et le 36ème mois, la phase de maturation de la greffe est obtenue. Au delà de trois ans, la greffe est considérée comme normale.
   La prise en charge rééducative dépendra des consignes chirurgicales ainsi que des gestes associés et des réactions du patient. Il faut retenir quatre grands principes pour élaborer la rééducation en toute sécurité.
1-      Mise en tension très modérée du néo-ligament jusqu’à J60.
Pour cela il faudra veiller à ne pas provoquer de tiroir postérieur, ni de rotation médiale forcée. Donc pas d’utilisation de la chaîne ouverte des ischio-jambiers. Rechercher une flexion progressive en ne dépassant pas 90° avant J60, cela aurait pour conséquence de provoquer l’allongement des fibres (jusqu’à 6mm à 135°). Il faudra contrôler le glissement postérieur automatique du tibia.
2-      Surveillance de l’existence ou de l’apparition de douleur de l’appareil extenseur.
3-      Spécificité du morphotype du patient.
Attention aux sujets laxes pouvant présenter des tiroirs physiologiques importants. Toujours vérifier en comparatif
4-      Education du patient.

   Suite à l’énoncé de ces quatre grands principes, nous verrons que la rééducation s’articule principalement en quatre phases.



Phase 1 : de J8 à J45.  
   Lors de cette phase, les consignes données par le chirurgien seront le port d’une attelle d’extension jusqu’à la 4ème ou 6ème semaine, et l’appui interdit ou soulagé. A cette phase, il faut conserver un flessum de 20 à 30° pour ne pas contraindre le nouveau ligament. S’il n’y a pas de gestes associés sur le ménisque, l’appui partiel peut être autorisé et dans ce cas il permet de tendre le néo-LCP par une force de translation postérieure du fémur sur le tibia. L’augmentation des forces de compression en chaîne fermée permettent de diminuer les forces de translation antérieures et postérieures.
   Lors de cette première phase, il faudra lutter contres les troubles trophiques qui sont importants. La relance musculaire à cette phase reste essentielle notamment pour le quadriceps et le triceps sural. Le quadriceps permet de protéger le transplant par une composante de glissement antérieur entre 0 et 60°. Il pourra être travailler en statique et en chaîne ouverte mais il faudra éviter la contraction des ischio-jambiers tant que la cicatrisation n’est pas obtenue. Il semble intéressant de travailler à 20° de flexion car la pression interne du liquide synovial est la plus faible. Nous pourrons ajouter l’électrostimulation associée à des contractions volontaires et en variant les angles de flexion.
   Concernant les gastrocnémiens, il est important de les travailler et en charge dès que possible pour optimiser leur rôle en tant que renfort des coques postérieures. La mobilisation articulaire en flexion ne devra pas dépasser 80°.

Phase 2 : J45 à J90. 
   A cette phase, l’attelle d’extension sera soit supprimée soit remplacée par une attelle articulée. Les critères permettant de faire ce choix seront les consignes du chirurgien et l’état du genou. Le verrouillage du genou devra être obtenu en charge, et il devra être stable dans les plans antéro-postérieur et latéro-médial ainsi que  lors de la marche. Si une attelle articulée est conservée, il faudra veiller à ne pas dépasser les 90° de flexion lors du réglage jusqu’à J60. Progressivement avec la récupération musculaire, la reprise de l’appui complet se fera avec sevrage d’une puis des deux cannes.
   Cette phase permet de continuer les objectifs visés dans la première phase, avec progressivité. La balnéothérapie permettra d’effectuer un travail de renforcement et de stabilisation en charge partielle ce qui diminuera les contraintes sur le genou. La sollicitation des ischio-jambiers à cette période ne devra pas se faire en chaîne ouverte. Le travail du quadriceps sera poursuivi en chaîne ouverte et en chaîne fermée, en statique et en dynamique (concentrique et excentrique). Il faudra veiller à ne pas dépasser 75° de flexion car à partir de cette amplitude il y a un recul postérieur du tibia. Par la suite, ce renforcement pourra se faire sur dynamomètre isocinétique de façon à utiliser le feedback pour ne pas faire travailler les ischio-jambiers. L’électrostimulation peut être toujours utilisée à cette phase.
   A cette phase, le travail en chaîne ouverte des ischio-jambiers n’est toujours pas débuté. Il se fera donc en chaîne fermée associé au grand fessier, quadriceps et triceps sural. A cette
phase,  le travail en chaîne fermée concentrique de poussée et excentrique est privilégié et présente des avantages. Il permet de récupérer la fonction grâce à la stimulation des récepteurs proprioceptifs situé dans le genou. Néanmoins le travail se fera à une flexion inférieure à 80° pour ne pas augmenter les contraintes sur l’appareil extenseur ni sur le LCP. Cette angulation étant rarement dépassée dans les activités quotidiennes ou sportives. Le travail en chaîne fermée a tendance à solliciter les grands groupes musculaires au dépends des petits groupes. Ceci aurait pour conséquence, de faire persister un déficit plus ou moins important du quadriceps lors des tests isocinétiques.
   Quelques exemples d’exercices en chaîne fermée : le demi-squat, cet exercice se fait en bipodal avec au début une flexion à 45° qui sera progressivement augmentée. La position du bassin sera en retroversion et un appui sur l’avant des pieds pour diminuer la sollicitation des ischio-jambiers. Des appareils de renforcement tels que le stepper et la presse assise pourront être utilisés. Il faudra veiller à vérifier la position du tibia, car si la laxité du patient est importante, du fait de la pesanteur le tibia se postériorisera d’autant plus rapidement.(cf résumés d’articles sur le LCP). Dans ce cas particulier, l’exercice sera effectué sur la pointe des pieds. Le renforcement du triceps sural se fera en unipodal de préférence. C’est un muscle essentiel pour la protection du transplant et dans la vie quotidienne.
   Dès que l’appui est complet, il est important de débuter les exercices proprioceptifs en unipodal. Après ce type d’intervention, la proprioception est fortement perturbée et d’autant plus si ce sont les ischio-jambiers qui ont été prélevés. Ce travail en chaîne fermée permet d’augmenter les forces de compression et donc de diminuer les forces de translation antérieure et postérieure. Cet exercice se fera genou fléchi de quelques degrés et en progression (sur sol stable puis instables, sans destabilisations puis avec destabilisations).

Phase 3 : J90 au 6ème mois. 
   Cette phase a pour objectif principal d’intensifier le travail (renforcement musculaire et proprioceptif). Sur le stepper, l’amplitude de déplacement et le temps de travail pourront être augmentés. Presse et squats sont poursuivis. Dès que la flexion atteint 115° l’ergocycle peut être intégré à la rééducation. Il permettra une sollicitation musculaire des membres inférieurs qui retentira sur le système cardio-vasculaire pour en améliorer la fonction. Les sauts collés seront également débutés, ils permettront de préparer le travail pliométrique plus tardif. Lors du travail proprioceptif, la flexion du genou sera progressivement augmentée et le travail deviendra dynamique. Le valgus et le varus devront être contrôlés.

Phase 4 : du 6ème au 12ème mois.
   Lorsque le patient veut reprendre une activité sportive cette phase doit remplir trois objectifs : optimiser le renforcement musculaire de manière à diminuer le déficit éventuel persistant entre les deux membres inférieurs, le travail proprioceptif dynamique avec intégration des gestes spécifiques au sport pratiqué, et la reprise progressive du sport. A cette phase, le travail de renforcement musculaire tendra à ressembler à celui du sujet sain. Il faudra augmenter la force musculaire et provoquer l’hypertrophie. Pour cela la charge de travail sera supérieure à 60% de la résistance maximale, le nombre de séries et de répétitions devra être adapté à l’objectif (peu de séries et de répétitions). Trois séances par semaine semblent optimales pour permettre une récupération. Le programme devra s’étaler sur au moins huit semaines pour obtenir une hypertrophie musculaire. Les moyens utilisés seront toujours la presse, le stepper,
le dynamomètre isocinétique, la balnéothérapie, l’ergocyle… Le travail pliométrique sera débuté et les sauts poursuivis avec augmentation de la difficulté. La course à pied sera également débutée avec une adaptation du programme de reprise de façon à solliciter le système cardio-vasculaire de façon progressive.
   Cette phase se terminera par un retour progressif à l’activité sportive antérieurement pratiquée, lors de cette reprise l’éducation du patient restera essentielle pour prévenir toute autre blessure ou rechute.
   Ce protocole de rééducation proposé est basé sur la littérature (cf biblio de la présentation). Les résultats fonctionnels obtenus après rééducation sont globalement bons même si un tiroir postérieur est souvent retrouvé. A ce jour, la question peut se poser d’envisager l’intervention. Car peut être qu’effectuer une rééducation après rupture sans intervention pourrait apporter des résultats similaires dans la stabilité du genou si la récupération du quadriceps est optimale.


Avis du GERAR : 
   Cette présentation faite par le service de kinésithérapie de la Châtaigneraie permet de donner un aperçu de la rééducation après ligamentoplastie du LCP et permet aux différents professionnels de s’appuyer dessus. Néanmoins, certaines interrogations persistent ou peuvent apparaître.
   Lors de la phase 1 et 2,  l’électrostimulation est intégrée dans le protocole, compte tenu des résultats controversés de cette technique, elle ne semble pas être une technique optimale même si elle est utilisée comme adjuvant. Selon, les chirurgiens, l’appui peut être nul ou soulagé, il ne semble pas exister de consensus à ce sujet. En tant que rééducateur, si les deux possibilités sont envisageables, il semble préférable d’avoir un appui soulagé. S’il est protégé, il sera surtout bénéfique pour le réveil musculaire, le retour veineux etc.
Lors de la phase 3, les auteurs proposent de débuter l’ergocycle car la flexion étant d’environ 115° cela devient possible. Mais nous savons qu’il existe des ergocycles à pédales réglables, sans essayer d’être précoce, il serait envisageable de débuter ce type d’exercice plus tôt. Sachant que l’ergocycle permet un rodage de l’articulation avec des phases de flexion, extension sans recherche d’amplitudes extrêmes ou forcées, et une sollicitation du système cardio-vasculaire. A cette phase sont également préconisés les sauts collés, collés sans doute pour solliciter d’avantage le membre inférieur sain et protéger le membre opéré. En revanche, aucun élément objectif ne permet de quantifier les contraintes de ce type de saut, la répartition du travail. Serait-il intéressant d’utiliser un myotest pour quantifier le travaileffectué ?
   Tout comme les sauts, la quantification et la progression du travail proprioceptif reste un peu vague dans ce protocole et dans la littérature en général. Quelles sont réellement les
contraintes exercées par les exercices proprioceptifs sur le transplant ? sur l’articulation ?

   D’autres questions persistent, le travail des ischio-jambiers en chaîne ouverte n’est débuté que tardivement pour empêcher un éventuel tiroir postérieur contraignant le ligament, mais qu’en est-il réellement ? Il serait intéressant de se pencher sur la question comme nous avons pu le faire pour le LCA.
Si nous continuons à faire le parallèle avec le LCA, il semble intéressant de se poser la question de la place de la chirurgie. Doit-elle être systématiquement envisagée après rupture du LCP ? 
   Et si nous revenons à la rééducation, que ce soit pour le LCA ou le LCP, la rééducation est très protocolaire. Protocole qui s’appuie notamment sur le processus de ligamentisation. Effectivement il paraît important, d’essayer d’élaborer des phases avec des objectifs communs, mais il ne faut pas oublier que chaque patient est différent et que son évolution est propre. Dans ce cas, en tant que rééducateur il paraît important d’adapter le protocole au patient et non l’inverse. Il serait donc intéressant de se pencher sur des articles plus récents concernant la rééducation. Les techniques chirurgicales sont en constante évolution, quand est-il de l’adaptation de la rééducation à ces nouvelles techniques.
   Dans l’ère de la pluridisciplinarité, nous pouvons également envisagé d’intégrer d’autres intervenants à cette rééducation et ce protocole. L’ergothérapeute aurait toute sa place en post-opératoire par exemple. Et nous pourrions bien voir intervenir les enseignants en activités physiques pour une réadaptation à l’effort précoce. Toutes ces questions restent ouvertes et attendent vos commentaires et réponses éventuelles…

[1] Cullin H, Ficheux G, Guillemin J-L. Protocole de masso-kinésithérapie après ligamentoplastie du ligament croisé postéro-interne. In LCA/LCP nouvelles approches thérapeutiques des ligamentoplasties du genou. XIIème Journée de Menucourt 2002. Ouvrage - stock épuisé éditeur.

A.A

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