8.11.12

Le genou est-il « normal » après une plastie du ligament croisé postérieur ?

   La rupture du ligament croisé postérieur (LCP) peut être traitée de deux manières. Le plus souvent un traitement fonctionnel est recommandé, mais en présence de douleur chronique et d’une instabilité importante en postérieur et en postéro-latérale, la chirurgie peut être proposée. Quel est l’impact d’une chirurgie du LCP sur l’aspect fonctionnel du genou ? C’est à cette question qu’a voulu répondre l’équipe du Dr Djian P. en 2010 [1]. Cette étude rétrospective s’intéresse à l’état fonctionnel du genou selon des critères subjectifs et objectifs tout en évaluant la laxité du genou après plastie du LCP. Ce mémoire, dont l’auteur principal est Wajsfisz A, est publié dans la revue Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, revue qui met en accès libre et gratuit  tous les articles publié 2 ans auparavant. Cette revue existe aussi en version française.


  Cette étude inclut 11 patients d’une trentaine d’années opérés suite à un accident de la voie publique ou après un accident sportif. Ces patients ont été revus au minimum 12 mois après leur opération. Avant l’opération, la subluxation du tibia était côtée selon l’échelle de Clancy [2], les patients devaient remplir  l’IKDC (international knee documentation comittee). La laxité postérieure était objectivée via 2 clichés radiographiques sous contraintes avec le TELOS et une contraction des ischios-jambiers (IJ). Tous les patients ont été opérés selon la même technique opératoire, ligamentoplastie par transplant os-tendon patellaire-os et plastie via le tendon quadricipital pour 10 des 11 patients.

Classification de Clancy [2]
   Après l’opération tous les patients ont suivi une  rééducation classique. Ils ont été revus avec un recul moyen de plus 20 mois, avec un maximum de 41 mois et minimum d’un an. Les résultats de l’IKDC (évaluation subjective) étaient en moyenne de 53 points avant l’opération, minimum 25 et maximum 98. Ces scores sont passés à 68 points (min 68 & max 94) sans pour autant que cette augmentation soit significative. En pré-opératoire, les genoux opérés avaient une amplitude comprise entre 4 et 130°, en post-opératoire ces amplitudes étaient comprises entre 2 et 128°. Seule la laxité en post-opératoire avec l’épreuve du TELOS à 90° a diminué significativement : elle passe de 3,7 à 1,9mm (p=0,05).

    Bien que les auteurs soulignent qu’ils n’ont pas utilisé les scores de Lysholm et Gillquist ainsi que Tegner et Lysholm par manque d’adaptation à la population, les scores IKDC retrouvés sont similaires à des études précédentes. La correction du tiroir postérieur est satisfaisante pour Wajsfisz A et al. [1]. La laxité calculée selon le score IKDC est correcte pour la vie de tous les jours mais l’aspect sportif de ce questionnaire est responsable pour les auteurs d’une diminution considérable du score subjectif des patients.
Avis du GERAR :
   L’intervention chirurgicale semble satisfaisante pour les auteurs, mais les scores IKDC ne sont pas significativement différents après l’opération. Les auteurs justifient les faibles scores de l’IKDC par l’impossibilité de réaliser certaines pratiques d’activités physiques, pourtant le genou opéré est fonctionnel pour les activités de la vie quotidienne. Seulement, l’IKDC ne possède pas un versant important basé sur le sport, contrairement aux autres tests, est-ce pour cela que les auteurs ont choisi ce questionnaire ? Dans tous les cas, la pratique d’activité physique semble bien délicate et cela à plus de 20 mois post-opératoire au minimum. Est-ce réellement satisfaisant pour les patients ? Est-ce que la fonction de leur genou est redevenue normale ?
   La laxité ne semble pas avoir changé sauf sur le test avec le TELOS à 90° de flexion de genou. Cependant, une contraction des IJ à 90° de flexion de genou provoque le même tiroir postérieur avant et après la plastie. Il n’y a pas d’informations concernant l’intensité de cette contraction mais elle semble être maximale, ce qui laisse présager lors d’AP privilégiant les IJ des instabilités de genou à des grades importants selon la classification de Clancy.

   Il n’est pas donné d’indications sur le délai respecté entre l’accident traumatique entraînant une lésion du LCP et la date de la chirurgie. Mais si l’on suit la même logique que celle observée dans le traitement des ruptures du ligament croisé antérieur, il est préférable d’attendre la disparation de l’inflammation, c’est-à-dire quelques semaines, avant de réaliser une plastie.

   Le GERAR s’était posé la question il y a bientôt 2 ans concernant le caractère prédictif du test isocinétique avant la chirurgie. La greffe ne devrait-elle pas se définir en fonction des résultats retrouvés pour les IJ ou le quadriceps (Q) ? Il serait donc préférable de choisir un transplant sur les IJ sur ceux-ci possèdent des résultats plus important que le Q. Cette logique est la même si les valeurs de force du Q sont supérieurs aux IJ. Les tests de force isocinétique pourraient également prendre une place importante dans le suivi de patients post intervention chirurgicale. Même si la force des IJ et du Q ne semble pas varier en l’absence de LCP [3] après une chirurgie et en fonction de la date du test, des différences doivent se retrouver.

   D’un point de vue purement statistique, cette étude comporte peu de patients. De ce fait les conclusions énoncées doivent être prises en considération en rapport avec la puissance accordée aux tests statistiques, c’est-à-dire faible. Le fait d’utiliser le minimum et le maximum ne renseigne pas l’étendue de résultats de l’ensemble de la population, il aurait été plus judicieux d’utiliser un tableau récapitulatif de tous les patients et/ou d’utiliser d’autres critères tel que l’écart-type pour décrire plus précisément la population.
Comme souvent dans ce type d’études, trop peu de place est donnée à la rééducation, ou en tout cas, à l’explication des exercices réalisés, à la fréquence des séances de rééducation, etc. Ce qui est un biais méthodologique certain. Il est donc facile de se poser les questions suivantes : est-ce la rééducation réalisée par les professionnels concernés qui ne permet pas aux patients de réaliser toutes les AP qu’ils désirent ? Sur quels critères méthodologiques se basent la rééducation ?, Quels sont les moyens mis en place pour objectiver les résultats ? De ce fait, nous pourrions prolonger cette discussion : quelles sont les prétentions de la chirurgie pour ce type d’atteinte ? Le GERAR tentera dans les futures publications de développer ces différents aspects. N’hésitez pas non plus à commenter.


[1] Wajsfisz A, Christel P, Djian P. Does reconstruction of isolated chronic posterior cruciate ligament injuries restore normal knee function? Orth Trauma Surgery Research. 2010. 96 ;4 :388–93 – accès libre.
[2] Bisson LJ, Clancy WG. Isolated posterior cruciate ligament injury and posterolateral laxity. In: Chapman M, editor. Chapman’s orthopaedic surgery. Philadelphia; Lippincott Williams and Wilkins; 3rd Ed: 2001, 2393-416 - ouvrage
[3] Vanwanseele B, Sharpe T, Grassmayr M, Parker D, Coolican M. The kinematic and kinetic responses of athletes with posterior cruciate ligament injuries. J Biomech. 2008. 41;Supp1: S111. – accès restreint.

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