1.8.12

Quelle sclérose en plaques pour quelle rééducation ?

Afin de conclure ce cycle autour des thèmes de la marche, la sédentarité et de l’équilibre, ce dernier article [1] a été sélectionné car il exploite tous nos champs de recherche actuelle. D’autant plus, que son hypothèse est directement liée à la rééducation/réhabilitation. La sclérose en plaques (SEP) est une affection du système nerveux central qui touche les capacités locomotrices. La SEP possède une grande variété d’évolutivité et de poussées observées. L’efficacité de la rééducation est évaluée au par des d’échelles de qualité de vie et les neurologues utilisent l’échelle de Kurtzke (ou EDSS : « expanded disability status scale »). Peu d'études font appel à une évaluation quantifiée. Le but de cette étude est de mesurer les effets de la rééducation sur les capacités d'équilibre, de marche, de force musculaire et d'indépendance fonctionnelle à partir de paramètres représentatifs et validés.
21 patients SEP participent à l’étude, 45 ans d'âge moyen avec une EDSS comprise entre 2 et 6,5 et avec une durée d'évolution moyenne de 15 ans. Durant le protocole aucun patient n'était sujet à une poussée inflammatoire ni ne suivait de cortico-thérapie. Une population de sujets sains a été utilisée pour jouer le rôle de référence composée de 20 sujets sains d'âge moyen de 38 ans.

   La méthode contient un programme de rééducation et un protocole d'évaluation. La rééducation compte 15 à 20 jours de prise en charge répartie entre de la kinésithérapie et de l'ergothérapie adaptées à la fatigabilité et au degré d'autonomie du patient à raison de 9 heures par semaine au total.
L'évaluation réalisée à l'entrée et à la sortie du séjour se déroule dans l'ordre décrit ci-dessous. L'évaluation sur plate-forme stabilométrique est réalisée la première diminuer au maximum l'influence de la fatigabilité. L'équilibre est testé debout yeux ouverts (YO) puis fermés (YF) pendant 51 secondes. Ensuite la marche est analysée à l'aide d'un locomètre enregistrant les paramètres de cadence et de symétrie  des pas en fonction de la vitesse de marche dite « spontanée ». Enfin, la force musculaire est évaluée sur le couple Quadriceps/IschioJambiers (Q/IJ) en isocinétisme à raison de 3 répétitions à 60°/s en mode concentrique de chaque côté. A ces tests est rajoutée la mesure de l’indépendance fonctionnelle (MIF).

Champs Observés
Outils d’Evaluation
Paramètres mesurés
Résultats
Equilibre debout
Plateforme stabilométrique
Temps debout YO et YF
Surface stabilométrique ↓ de moitié YO et YF
Locomotion
Locomètre (à filins)
Cadence et symétrie du pas
Vitesse ↑
Longueur d’enjambée ↑
Isocinétisme
Dynamomètre Isocinétique
Couple Q/IJ  et MFM bilatéral en concentrique à 60°/s
Qmin et IJmax ↑
Autonomie
MIF
Score total
Score ↑
EDSS > 6 ; amelioration de l’équilibre
EDSS < 6 ; amélioration de la vitesse de marche


   Après rééducation, il résulte en terme d’équilibre une diminution significative de moitié de la surface enregistrée sur la plateforme stabilométrique YO et YF. Concernant la locomotion, la vitesse a augmenté de 2,35 à 3km/h et la longueur d’enjambée s’est agrandie significativement passant de 0,9 à 1,05m. Pour le couple Q/IJ mesuré en isocinétisme, des groupes musculaires dominants ont été désignés par rapport au côté opposé. Une amélioration significative du moment de force maximum (MFM) du Qmin et des IJmax est observée et aucune amélioration n’est observée pour Qmax et IJmin.

  Après avoir réparti les patients en sous-groupe en fonction de l’EDSS, il ressort une amélioration significative de l'équilibre et de la vitesse de marche spontanée chez les patients moins déficitaires ayant un score supérieur à 6.

  Afin de justifier la prise en compte de la fatigue lors du protocole d’évaluation et de rééducation, Cantalloube et coll. soutiennent que la fatigue est le premier trouble gênant par la moitié des patients. Pour minimiser ses effets, il convenait de faire les tests en matinée. Morris et al. [2] n’ont pourtant pas mis en évidence une différence des paramètres enregistrées  lors de la marche au cours de la journée alors que l’index de fatigue se majorait l’après midi.

    Les tests de marche de courte distance ne sont pas adéquats car ceux-ci ne mettraient pas en valeur les boiteries dues à la fatigue observées durant la marche prolongée. Or le « Timed 25-foot walk » (7.63m) est le paramètre de marche retenu pour l’échelle international MSFC (multiple sclerosis fucntional composite) ; répondant aux critères de validité, de fiabilité, de faisabilité et de sensibilité aux changements. Enfin aucune corrélation n'a pu être établie entre les tests d'équilibre, la marche et le score de MIF. Citons par ailleurs l'étude de Granger qui a établi l'équation suivante sur des patients après traumatisme crânien : le gain d'un point de MIF vaudrait 3 à 4 minutes de gagnées par jour [3].

Avis du GERAR :
    Cette étude veut mettre en valeur l’efficience d’une PEC en rééducation à partir de critères quantitatifs et objectifs. Les moyens d’évaluation sont choisis de façon pertinente au travers d’une analyse  stabilométrique, d’un  test de locomotion sous locomètre et d’une évaluation de la force via l’isocinétisme. A contrario, le protocole mériterait d’être plus précis dans sa description notamment au niveau de son programme de rééducation. S’il est précisé le volume horaire de 9h et la vocation pluridisciplinaire du programme, il aurait été intéressant de détailler les moyens et les outils de travail utilisés pendant les séances. L’hypothèse étant de savoir si la rééducation a un impact sur la performance des patients SEP, le protocole aurait pu se concentrer sur la manière de discriminer tel ou tel moyen de rééducation pour mesurer son efficacité. En ce qui concerne le mode d’inclusion de la population, des informations sur l’homogénéité du groupe sélectionné et sa représentativité par rapport à la population globale aurait pu être précisées durant la discussion afin de pondérer les résultats obtenus.

    La progression des patients était comparée à une population témoin. Pour diminuer les biais de comparaison, la population saine aurait du être appariée et appliquer le même protocole de rééducation que les patients.

    Au vu de ces précisions à apporter, l’hypothèse aurait pu être la suivante : évaluer l’efficacité de la rééducation chez les patients SEP suivant les objectifs et moyens et suivant leur degré d’autonomie.

    La discussion consacre une grande partie à évaluer des corrélations entre les résultats des différents tests. Utilisant des tests validés et reconnus, l’intérêt reste très discutable quant aux objectifs de cette analyse statistique. En effet, l’hypothèse ne comportait pas d’éléments comparatifs inter tests, le protocole de rééducation et d’évaluation n’était donc pas réalisé dans l’objectif de corréler les différents tests entre eux.

     La fatigue des patients est un paramètre qui a du être pris en compte durant le déroulement de l’étude. C’est un problème récurrent qui est lié à la physiopathologie de la SEP et qui survient en relation avec l’activité physique. Il aurait été intéressant de savoir de quel type de fatigue il s’agit et quel mécanisme physiologique cela met en jeu. Il aurait été intéressant d’évaluer cet état de fatigue afin d’émettre une hypothèse de corrélation avec les progrès de la rééducation au travers des tests. Profitons de l’occasion pour mettre à l’honneur l’un de nos collaborateurs, Francis Degache qui a écrit sur le contrôle postural lors du rythme circadien.

  En conclusion, cette étude préliminaire ouvre le champ de possible en rééducation neurologique. Une technologie de plus en plus objective associée à une méthodologie scientifique rigoureuse ne pourra que faire évoluer nos pratiques.


NS.

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