Le GERAR développe une approche critique sur
l’interdisciplinarité depuis quelques articles. Celle-ci fut aussi
l’occasion d’expliciter son intérêt lors d’une présentation orale au CIFEP-K2014. Cependant, il semble que la théorie soit souvent belle, mais que les
professionnels demandent plutôt de la pratique, car c’est dans cette pratique
que certains (une majorité ?) ne voient que leur métier.
Existe-t-il des
articles qui discutent de cette collaboration entre professionnels de la santé dans
le monde de la rééducation ?
Le GERAR est tombé sur un article de 2010 intitulé
« Principes d’une rééducation conjointe entre le kinésithérapeute et le
professeur d’activités physiques adaptées dans la prise en charge de la
personne amputée de membre inférieur ». Ryckelynk A. et Letombe A.
consacrent quelques pages sur la complémentarité entre ces deux professions afin
de répondre aux objectifs du médecin et du patient.
En France, il semble que le nombre de nouveaux cas
d’amputations des membres inférieurs oscille entre 5000 à 6000 par an, selon
les chiffres de la COFEMER en
2006. Cet article ne traite pas de l’étiologie de l’amputation, donc cette
courte introduction s’arrête là.
Les prises en charge en centre de rééducation débutent très
tôt en post-opératoire et nécessitent pour ces patients une approche interdisciplinaire
de qualité. La prise en charge se définit autour de plusieurs axes et l’article
s’intéresse aux relations entre l’enseignant en activités physiques adaptées
(EAPA) et le masseur-kinésithérapeute (MK) avec un objectif simple :
accélérer la récupération et la réadaptation de la personne amputée.
Dès le début de la prise en charge, l’EAPA s’intéresse aux
capacités de la personne, de ce fait des séances de musculation en périphérique
sont débutées en individuel sur machines à charge ou en groupe au niveau du
tronc, des membres supérieurs et du membre inférieur controlatéral. L’objectif
principal est d’optimiser les déplacements en fauteuil roulant et le béquillage
futur. Le MK quant à lui travaille spécifiquement sur le moignon et sa
tonification musculaire par différentes techniques de co-contraction,
d’électrostimulation, etc.
Parallèlement à ce travail de renforcement musculaire, le
reconditionnement cardio-vasculaire est d’une importance capitale afin de
lutter contre les troubles associés. Un programme individualisé suivant les
recommandations FITT (Fréquence, Intensité, Temps, Type d’exercice) sur
ergocycle pour membres supérieurs et parfois membre inférieur, semble
privilégié pour le reconditionnement des paramètres centraux et périphériques.
Ces actions visent à stabiliser le volume du moignon afin d’assurer une
meilleure congruence dans l’emboiture de la prothèse.
Prises en charge complémentaires entre l'enseignant en APA et le MK. |
La remise en charge se déroule en premier lieu avec le MK.
Ce travail de concentration sur une mono-tâche de report de poids jusqu’à
l’équilibre unipodal nécessite une multiplication de situations motrices.
L’EAPA quant à lui va pouvoir travailler de façon décentrée de cette tâche de
report de poids, en créant des situations motrices basées sur des logiques
internes de sport d’opposition et/ou sports de raquettes afin de travailler les
appuis, les réactions d’équilibrations, etc. Ces situations plus sportives
demandent bien entendu une maîtrise de la gestuelle qui doit être amenée de
façon progressive par le professionnel.
La synergie de prises en charge entre le MK et l’EAPA visent
à récupérer une marche autonome de qualité. Les exercices de déambulation entre
les barres parallèles, dans les escaliers, couloirs et autres tapis de marche
font partie de l’éventail des activités proposées par ces professionnels. Avec
la déambulation, le risque de chute est un paramètre inévitable. Le travail du
relevé de chute, de l’appréhension, de la mise au sol sont réalisés et
optimiser par les 2 professions suite à une communication importante afin de ne
pas réaliser les mêmes exercices malgré des objectifs différents.
En conclusion les auteurs insistent sur l’identification des
activités et des rôles ou objectifs de chacun dans la prise en charge
interdisciplinaire des patients amputés.
Avis du GERAR :
Rare sont ces articles qui explicitent un peu mieux le
travail en pratique de ces deux professions qui possèdent des compétences et
connaissances qui se recouvrent. Ce chevauchement n’est pas une barrière au
travail intelligent qui cependant, nécessite en amont une identification de ces
compétences mais aussi une connaissance de « l’autre ». Pour plus
d’informations, n’hésitez pas à lire les autres articles du GERAR sur cette
thématique.
Qui sont les professionnels qui présentent leur
métier ? Connaissez-vous réellement le rôle et les objectifs des collègues
qui gravitent autour du patient que vous avez en charge ? Au sein de certaines
structures, des topos sont organisés pour présenter aux professionnels
stagiaires (mais pas que) le métier des autres corps de métiers. Ces
présentations théoriques et/ou pratiques sont importantes car elles permettent
aux stagiaires de mieux (se) connaitre, aux professionnels de délimiter leur
champs d’action mais aussi de créer une ambiance propice aux échanges. Et il
semble que ce sont ces échanges qui manquent souvent pour une meilleure
cohésion au sein des équipes de rééducation.
Quel est donc le rôle des instituts de formation en
masso-kinésithérapie ou universités dans la connaissance des autres métiers de
(la) santé ? Le lieu de stage est intéressant pour allier la pratiquer à
la théorie, mais si cette théorie n’est pas faite par le lieu de formation, il
y aura forcément un manque. C’est ce manque de connaissances qui poussent
certains à croire à leur suprématie dans le monde de la rééducation et à
oublier qu’ils ne travaillent pas seuls. Ne serait-il pas intéressant de
proposer aux organismes de formations des rencontres de présentations des
métiers de la santé. Parce qu’il est quand même plus aisé de parler de son cœur
de métier et non de celui des autres, difficile de parler du métier
d’orthophoniste pour un ergothérapeute, à moins de se pencher sur le répertoire national des compétences
professionnelles. Le référentiel métier d’une profession peut aussi donner
des indices de pratique. Cependant, il y a deux façons de créer un référentiel
métier : la première veut qu’une autorité impose les compétences et les
activités associées tenant compte de la formation initiale et continue des
professionnels. La deuxième se base sur une démarche inverse, elle fait fi de
la formation pour faire remonter les compétences et les activités du terrain et
créer un document au plus près du cœur de métier du professionnel sur le
terrain.
Dans la continuité de l’article analysé, à quand un EAPA
présentant son métier dans un IFMK, et un MK dans un UFR STAPS ?
Certes, cet article ne s’appuie pas sur des données ou des
tests validés, ni même des recommandations dans la prise en charge de la
personne amputée, mais ce n’est pas son but. Pourtant une partie sur ces
recommandations aurait été intéressante pour placer ces deux professions. Il aurait
été également intéressant de détailler les voies de communication entre ces
deux professions. Existe-t-il des réunions, des staffs qui permettent de mettre
au point, dès le début, les objectifs de certains pour la personne prise en
charge ? Qui décide ? Est- ce le cadre ou les professionnels entre
eux ? Et le rôle du prescripteur dans tout cela ? Est-ce que le
médecin connait les champs d’action de chaque professionnel et leur spécificité
de prise en charge ? Ces topos doivent être ouverts à tous, et peut être
même plus en direction des prescripteurs qui ont, semblent-ils parfois,
quelques soucis sur les rôles respectifs des professionnels qui sont présents
dans leur service. Et si la faute venait de nous ? Sommes-nous présents
dans les facultés de médecine pour présenter nos métiers et l’intérêt de notre
collaboration ?
A nous, professionnels de terrain, de proposer d’autres
articles de ce type qui soulignent l’intérêt de la prise en charge à plusieurs
en sein d’une structure où diverses professions se côtoient et travaillent
autour des mêmes objectifs.
Référence :
Ryckelynk A. et Letombe A. Principes d’une rééducation
conjointe entre le kinésithérapeute et le professeur d’activités physiques
adaptées dans la prise en charge de la personne amputée de membre inférieur. Kinésithér
Scient 2010;512:41-49 – Accès
restreint
parfait , on voit plus l'approche des 2 camps...cependant en pratique les patients nous disent que les APA font le renforcement et la balnéo et les kinés massent les cicatrices...c'est synthétique mais assez vrai et fréquemment évoqué
RépondreSupprimer2 camps ? Non, 2 professions complémentaires.
SupprimerLes patients ? Proportion ? Pathologies ? Structures ?
Dommage de se rabaisser à des commentaires si peu Evidence-Based. Les brèves de comptoirs, non merci.
Cependant, je veux bien créer une étude sur les représentations des métiers par les patients.
Exact, ce sont 2 professions complémentaires une fois que les lignes sont bien tracées et que chacun est au courant des compétences et des champs d'action de l'autre. Au centre de rééducation fonctionnelle dans lequel j'évolue aucune animosité, mais au contraire une belle cohésion au sein de l'équipe pluridisciplinaire. Ce n'est pas Céline L. qui dira le contraire. Oui une étude sur les représentations des métiers par les patients peut être surprenante mais en meme temps refléter une réalité. Frederic Ray (EAPA)
RépondreSupprimerHeureusement que le blog GERAR est présent pour sortir quelques pépites des armoires poussiéreuses. La thématique de la pratique clinique coordonnée, de la délimitation des compétences et tâches reste trop peu étudiée. Cependant, la littérature scientifique offre quelques pistes travailler sur cette thématique, mais la question demeure: en STAPS comme kinésithérapie qui s' attarde à monter ce type d'étude
RépondreSupprimerPersonne car c'est une problématique trop professionnelle et peu "vendeuse" pour un chercheur "pure".
Des deux côtés du guidon, les cliniciens doivent trouver des fonds pour se libérer du temps et mettre en place des études dignes de ce nom. Les profils parfaits existent cliniciens avec de l expérience, une formation initiale solide, type Master et sachant rédiger des demandes de financement.
Des commentaires qui donnent de l'espoir pour le champ para-médical voire méta-médical. En effet que de problématiques à explorer, le chemin est long mais il existe...
RépondreSupprimerLa sensibilisation commence dès la formation initiale, mon DE je l'ai eu grâce à cette thématique il y a 10 ans de ça. Et je la transmets à mes stagiaires et aussi aux étudiants que je suis pour leurs mémoires.
Partons d'un principe de base, techniquement nous pouvons être le plus efficace durant une prise en charge, si en dehors le patient n'a pas les capacités d'appliquer, cela devient néant...
La transdisciplinarité et connaitre les complémentarités peuvent être l'une des clefs ... du succès
Nathanaël Shahmaei